La pièce de théâtre «Faut qu’ça bosse» !

Pièce de théâtre "Faut qu'ça bosse". © Erik Neveu

Auteur : Erik Neveu

Identifier en Bretagne une paysannerie rouge, séduite par l’extrême gauche, serait cotiser à la fiction. Reste que de vrais liens ont existé avec beaucoup des dirigeants du syndicat des Paysans travailleurs qui questionnaient les impasses de la modernisation : engrenage d’endettement, dépendance aux entreprises agro-alimentaires, revenus décevants. Ce lien a fonctionné via la Gauche révolutionnaire (GR), tendance du PSU, dont la trajectoire aboutit au maoïsme, via des contributions de militants sur les mutations économiques de l’agriculture qui ont armé le syndicalisme.

«Faut qu’ça bosse» Pièce de théâtre par le Groupe d’Action Culturel de Rennes, 1972-1973


La pièce de théâtre Faut qu’ça bosse illustre une autre facette de ces connexions. Écrite par un processus de navette entre cadres des paysans-travailleurs et secteur agricole de la GR, cette pièce de théâtre raconte les déboires et la révolte d’un couple de jeunes paysans modernisés. Jouée par une troupe composée de militants de la GR et de proches de la mouvance culturelle bretonnante, reprise ensuite par un autre groupe en Léon-Cornouailles, la pièce va tourner dans des dizaines de villages, à l’invitation de syndicalistes paysans ou en appui aux « longues marches » estivales qui amenaient étudiants et jeunes urbains travailler dans les fermes. Après des chants et la pièce, s’ouvrait une discussion. Elle manifestait combien le spectacle parlait à son public paysan qui y voyait l’écho de son expérience et souvent de ses colères. Elle suscitait aussi des échanges passionnés quand une délégation d’administrateurs d’une grosse coopérative venait porter la contradiction, s’indigner qu’on compare les pratiques des firmes et des coopératives, ou parce que la scène finale suggérant la proximité de la justice aux puissances politico-économiques mettait en cause une forme de respect des institutions.
Vue entre 1972 et 1975 par 10 à 15 000 personnes, la pièce aura contribué au débat dans le monde rural sur les changements de l’agriculture et du syndicalisme et constitué un outil effectif d’échanges et d’interaction entre étudiants « gauchistes » et agriculteurs.

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