Les veillées offrent la possibilité de monter sur les planches à des chanteurs, conteurs ou musiciens débutants. Le public des veillées est volontiers indulgent et prêt à encourager les premières initiatives.

Tous les ans pendant la période hivernale, d’octobre à avril-mai, une dizaine de veillées en langue bretonne sont programmées dans la région du Trégor (Côtes d’Armor – Bretagne), veillées auxquelles participent conteurs, chanteurs et musiciens du pays. Sur les 140 communes que compte ce vaste territoire situé autour des villes de Lannion, Guingamp et Tréguier, plus de 65 communes différentes (soit une commune sur deux) ont accueilli une ou plusieurs veillées entre 1997 et 2013.

L’organisation des veillées du Trégor repose aujourd’hui en 2013 sur un réseau d’une douzaine d’associations locales ou d’organisateurs individuels répartis sur le territoire du Trégor et du Goëlo. L’association trégorroise « Dastum Bro Dreger », pôle associé de l’association régionale Dastum (collecte, sauvegarde et diffusion du Patrimoine oral de Bretagne), a été à l’origine de la relance des veillées sous cette forme à partir du début des années 1990.

 

Organisation et cadre général des veillées

Depuis près de 20 ans, Dastum Bro Dreger est la structure repérée par les associations locales candidates à l’organisation d’une veillée sur leur commune. Elle est sollicitée pour les conseiller dans l’organisation de leur veillée : arrêter une date, réunir un plateau de chanteurs, conteurs et musiciens, prévoir un animateur présentant les intervenants lors de la soirée, prendre en charge l’organisation pratique sur place (retenir une salle, prévoir une sonorisation, ouvrir une buvette, etc.). Chacune des associations locales garde la maîtrise de sa veillée, assume la totalité des charges de son organisation (prêt ou location de sonorisation, prêt ou location de salle, etc.) et garde le bénéfice généré par l’ouverture de la buvette ou la vente de gâteaux ou de crêpes. En général, peu de frais sont engagés pour l’organisation d’une veillée, les intervenants (chanteurs, conteurs et musiciens) participant bénévolement aux veillées, la salle communale accueillant la soirée étant souvent prêtée à titre gracieux par la commune et les organisateurs arrivant à emprunter une petite sonorisation. En conséquence, le principe adopté par l’ensemble des organisateurs de veillées dans le Trégor est de ne pas faire payer l’entrée au public. Seules quelques veillées à caractère particulier dérogent à la règle et une participation de l’ordre de 4 à 5 euros est alors demandée aux adultes à l’entrée dans la salle. C’est le cas par exemple pour la veillée « Kampionad Kunujennoù » (Concours d’insultes) d’octobre 2012 ou de certaines veillées organisées pour une cause humanitaire (par exemple « veillée-Téléthon » ou veillée de soutien à la famille d’une petite fille trisomique à Prat).

 

Ces associations organisatrices sont diverses : par exemple pour les quatorze veillées de la saison 2012-2013, on trouvait quatre comités des fêtes, un foyer rural, deux clubs des anciens, une association de loisirs et six associations culturelles bretonnes. Dans la majorité des cas le projet est souvent porté localement par une seule personne qui s’y investit et se fait entourer d’autres bénévoles. Les veillées sont souvent reconduites d’une année sur l’autre sur certaines communes où ces bénévoles sont actifs et on retrouve ainsi des rendez-vous à dates fixes sur quelques communes (veillée de Plestin autour du 11 novembre, veillée de Plougras à la fin novembre, veillée de Trégrom à la mi-décembre, veillée de Cavan à la mi-janvier, veillée de Trézény pendant la deuxième quinzaine de février, etc.). A l’inverse, certaines communes accueillent ponctuellement une veillée mais ne renouvèlent pas l’expérience les années suivantes, souvent faute d’organisateurs motivés sur place (Minihy-Tréguier en 1998, Plouguiel en 1999, Louannec en 2000, etc.). L’accueil de veillées sur de nouvelles communes est dû à la volonté de Dastum Bro Dreger et à des rencontres de nouveaux partenaires sur place. Il faut noter que l’impact territorial de ces veillées sur le Trégor et le Goëlo est loin d’être négligeable puisque sur les 140 communes de ce vaste territoire, plus de 65 communes différentes (soit une commune sur deux) ont accueilli une ou plusieurs veillées entre 1997 et 2013. On trouvera le détail et la liste de toutes ces veillées et communes en annexe.

 

Intervenants, chanteurs, conteurs et musiciens des veillées

A chaque occasion, il revient à l’association organisatrice d’inviter les personnes qu’elle souhaite entendre lors de sa veillée. Elle fait appel alors à des « valeurs sûres », certaines personnes étant bien connues et repérées comme chanteurs ou conteurs sur l’ensemble du territoire, mais aussi à des « figures locales », des chanteurs ou conteurs plus âgés et moins connus hors des limites de leur commune, des jeunes musiciens ou encore des enfants ou adolescents scolarisés en filière bilingue. A ce titre les veillées favorisent les rencontres entre des pratiquants (chanteurs, conteurs) d’origines et de milieux différents : bretonnants de naissance, néo-bretonnants, enfants et jeunes scolarisés en breton, etc. Elles sont aussi un lieu où les formes chantées et contées en langue bretonne rencontrent leur public et elles permettent aux débutants d’y faire leurs premières armes et de côtoyer des chanteurs et conteurs plus aguerris.

 

Les passages des uns et des autres sur scène sont largement improvisés, surtout pour les intervenants les plus âgés et pour ceux possédant et maîtrisant un vaste répertoire. Mais ils sont parfois préparés à l’avance par les plus néophytes ou par ceux qui souhaitent partager une chanson ou une histoire plus inédite et qu’ils viennent d’apprendre ou de mettre au point récemment. Les veillées offrent ainsi la possibilité de monter sur les planches à des chanteurs, conteurs ou musiciens débutants. Le public des veillées est volontiers indulgent et prêt à encourager les premières initiatives.

 

Déroulement des veillées
En général ces veillées sont programmées le vendredi soir à partir de 20h30 (et non plus le samedi soir comme dans les décennies 1960-70). Il arrive que certaines veillées se tiennent un autre jour ou à d’autres heures de la journée, mais c’est plus rare ; c’est parfois le cas quand la veillée fait partie d’une programmation incluant d’autres activités ou festivités. Il faut toujours compter avec le quart d’heure ou la demi-heure dite « agricole » d’accueil du public et des participants avant que la soirée ne commence. Ce moment est mis à profit par l’organisateur et le présentateur de la soirée pour s’assurer de la présence des chanteurs, conteurs et musiciens invités et pour dresser un ordre de passage sur scène. Le présentateur cherche alors à alterner les passages de chanteurs, de conteurs et de musiciens de manière à proposer une soirée variée au public. La variété des passages et l’alternance entre conteurs, musiciens et chanteurs aide ainsi les néo-bretonnants présents dans la salle à profiter d’une soirée se déroulant entièrement en breton.

 

La soirée démarre souvent par un passage de musiciens qui ouvrent la veillée. Quand les musiciens comprennent des sonneurs (biniou-bombarde ou clarinettes par exemple), ce sont eux que l’on va solliciter en priorité pour annoncer l’ouverture de la veillée. Le volume sonore des instruments permet d’imposer le silence et de lancer la soirée. Ils laissent ensuite la place au présentateur.

 

Toute la soirée se déroule alors en langue bretonne. La traduction en français des interventions, chants, contes et histoires n’est jamais assurée. Le public sait qu’il va participer à une veillée monolingue en breton. Il s’agit d’un public bretonnant (le milieu local, agricole et rural y est très représenté) ou de personnes s’intéressant à la pratique vivante de la langue bretonne : personnes retraitées ou plus jeunes, enseignants en langue bretonne, élèves d’écoles bilingues et leurs parents, adultes apprenant la langue, etc. Le présentateur annonce les intervenants en breton, assure les intermèdes entre les passages des chanteurs, musiciens et conteurs, livre quelques anecdotes ou histoires, blague et interpelle le public en breton. Les chanteurs et conteurs se succèdent alors sur scène pour des passages assez courts de 5 à 15 minutes : les chanteurs interprètent une ou deux chansons, les conteurs racontent une ou plusieurs histoires, le tout en breton. Il arrive que plusieurs personnes préparent à l’avance une petite pièce de théâtre en breton dans l’esprit de ce qui était proposé dans les années 1960-70 par la troupe trégorroise « Strollad Beilhadegoù Treger », mais c’est plus rare. Les conteurs privilégient les histoires drôles (« Ar fusuilh daou denn / Le fusil à deux coups »,  » Bouc’h Clemence / Le bouc de Clémence », etc.) ou les monologues écrits 30 ans plus tôt par Maria Prat (« An hini gozh o vont da Baris / La vieille allant à Paris », « Ar melezour / Le miroir », etc.) ; peu d’entre eux se risquent à dire un conte. Les chanteurs puisent à la fois dans le répertoire ancien ou dans les compositions plus récentes de Jean Derrien, Evnig Penn ar C’hoad, Anjela Duval, Youenn Gwernig etc. Peu d’entre eux se risquent à interpréter des gwerzioù ou complaintes : là encore leurs choix s’orientent vers des chansons correspondant aux standards actuels (3 à 4′) et appartenant au genre des sonioù, chansons d’amour, chansons légères ou humoristiques, etc. Tout au long de la veillée, le présentateur intervient à chaque passage puis propose un entracte au public vers 22h30, après un premier passage des conteurs et chanteurs.

 

Pendant l’entracte, les organisateurs ouvrent le bar où le public trouve de quoi se désaltérer (bière, vin rouge, sodas et parfois café et chocolat chaud), et souvent de quoi se restaurer (crêpes, gâteaux), surtout en milieu d’hiver. Après une interruption d’une demi- heure environ, la veillée reprend vers 23h00. Une partie du public (personnes âgées, familles avec enfants…) quitte la veillée après l’entracte et la seconde partie est alors plus courte, à l’identique de la première partie. La veillée se termine vers minuit et dans certaines communes les organisateurs invitent les participants (chanteurs, conteurs et musiciens) à manger un casse-croûte avant de rentrer chez eux. Ce moment est parfois l’occasion de prolonger la soirée et d’entendre quelques histoires ou chansons supplémentaires. Dans les communes situées dans la partie sud du Trégor proche du centre Bretagne, les veillées se terminent parfois par quelques airs ou chants à danser et le public se lève alors pour entrer dans la danse.

 

Fréquentation des veillées
La fréquentation des veillées est variable en fonction du caractère local ou plus large de la soirée. Certaines veillées apparaissent « hors cadre » à ce niveau : c’est l’exemple de la veillée thématique « Kampionad Kunujennoù / Concours d’insultes », organisée à trois reprises par Dastum Bro Dreger en 2002 (Prat-22), 2003 (Guerlesquin-29) et 2012 (Lannion-22), trois soirées ayant accueilli à chaque fois entre 600 et 900 personnes ! C’est aussi le cas de la veillée annuelle de Cavan organisée par l’association locale Pilgerc’h qui réunit chaque année de 2 à 300 personnes. A part ces cas exceptionnels, les veillées regroupent bon an mal an autour de 100 à 150 personnes. Quelques-unes ont un caractère plus confidentiel (autour de 50 personnes) et permettent alors plus de proximité, de complicité et d’échanges entre le public et les protagonistes.

Historique général : les veillées
Autrefois, les veillées hivernales à la ferme permettaient aux habitants des campagnes bretonnes de se retrouver entre famille, amis et voisins pour les longues soirées d’hiver. Ces assemblées souvent réduites (une dizaine, voire une vingtaine de personnes tout au plus) étaient l’occasion de commenter les nouvelles du pays, de conter, chanter et partager le répertoire de chants et contes du pays tout en occupant ses mains à quelques travaux d’intérieur (réparer des manches d’outils, filer, coudre ou ravauder, faire un peu de vannerie, égrener du lin, etc.).

 

L’apparition de nouveaux médias de communication au début du XXe siècle (la radio tout d’abord, puis surtout la télévision à partir des années 1960) conjugué au désintérêt des bretons eux-mêmes pour ces formes anciennes de divertissement met progressivement un terme à la veillée à la maison qui disparait totalement sous cette forme à la sortie de la deuxième guerre mondiale.

 

Historique particulier : Les veillées du Trégor
En 1959, Roger Laouenan, jeune clerc de notaire de Lannion, cherche à intéresser ses compatriotes trégorrois à la langue et la culture bretonne. Après être allé constater à Callac (22) en Centre Bretagne l’intérêt qu’y suscitent à l’époque les premiers festoù-noz, il imagine une formule plus apte à intéresser les populations du Trégor qui privilégient le théâtre, le chant et le conte à la danse. Il met au point une « veillée bretonne » (Beilhadeg), une séance de variétés en breton dialectal, où des acteurs chanteurs et musiciens du cru font alterner théâtre, chants, sketches, musique, etc.

 

Dans le tract annonçant la première veillée qui eut lieu à la salle des fêtes de Rospez (22) le 10 octobre 1959, Roger Laouenan décrit ses intentions dans ces termes : « … Les vieux se souviennent encore du temps où, après le travail, réunis devant un grand feu de bûches, ils débitaient leurs histoires ou chantaient des « Gwerziou » qu’ils avaient apprises eux-mêmes de leurs parents. Malheureusement tout un trésor de contes, de chansons, (la plus grande partie de notre patrimoine folklorique) disparaît peu à peu, soit qu’il reste enfermé dans les mémoires désormais muettes, soit qu’il meure avec nos gardiens de la tradition orale. C’est justement l’ambiance des soirées familiales bretonnes que nous voulons recréer, ces soirées où chacun se sentait à l’aise, où personne ne rougissait de parler breton !… »

 

Cette première veillée eut un succès retentissant et fit salle comble (400 spectateurs). Y prirent part une vingtaine d’acteurs, conteurs, musiciens et chanteurs parmi lesquels des noms qui compteront dans l’histoire des veillées du Trégor dans les vingt années qui suivront : Bernard Le Ny, épicier à Ploulec’h, Yves Droniou, agriculteur à Brélévenez, Jean Derrien, menuisier à Louannec, Maria Prat, agricultrice en retraite à Brélévenez, etc. Etienne Rivoalan et Georges Cadoudal, champions de Bretagne « bombarde – biniou bras », étaient venus de Bourbriac pour clôturer la soirée.

 

A l’issue de cette première veillée et devant l’engouement qu’elle suscite, il est décidé de mettre en place un calendrier pour satisfaire la demande venant d’autres communes. La petite troupe qui se constitue alors participe aux 9 veillées qui sont ainsi organisées durant l’hiver 1959-60 : 500 personnes y assistent à Ploulec’h, 500 à Trégastel, 500 à Grâces, 700 à Pleumeur-Bodou… Le 26 mars 1960 à Louannec, elle joue devant une salle bondée de 1500 personnes, dont le sous-préfet de Lannion et Pierre Bourdellès, député ! Ce succès fit écrire ces lignes à Edouard Ollivro, alors journaliste à Ouest-France : « Nous assistons à un phénomène sociologique fréquent au XXe siècle et qui s’appelle une résurrection populaire. Trois faits me frappent : la spontanéité de ce mouvement surgi du peuple lui-même ; son incroyable soudaineté, puisqu’il y a six mois, rien encore n’existait dans la région; sa richesse, car les programmes sont dans l’ensemble d’une étonnante qualité. Que Louannec ait connu une pareille apothéose, voilà qui nous remplit de fierté ! »

 

Dès le mois de mars 1960, les statuts de l’association « Groupe des Veillées du Trégor » (en breton « Strollad Beilhadegoù Treger – S.B.T. ») sont déposés à Lannion. Présidée par Roger Laouenan, elle se donne comme but de « promouvoir le développement de la culture populaire en langue bretonne dans le Trégor, au moyen notamment de Veillées et de spectacles de variétés s’inspirant à la fois du génie de la Tradition Celtique et des formes modernes de l’expression artistique ».

 

A partir de l’hiver 1960-61, Fañch Danno prend la suite de Roger Laouenan à la présidence. Cet ancien instituteur public marque de son empreinte l’histoire de la troupe dans le Trégor. Il fédère les énergies sur le terrain dans un grand triangle « Morlaix-Guingamp- Paimpol » dont Lannion est le centre et développe une équipe de relais locaux permettant à la troupe d’étendre son audience et de multiplier les veillées. Il intègre de nouveaux venus à la troupe, comme Jean Gouronnec de Pleumeur-Gautier et une petite équipe d’acteurs que celui-ci avait réunis dans sa commune. Il suscite la participation de chanteurs et conteurs locaux lors des déplacements de la troupe. Il cherche à diversifier les programmes proposés et encourage le renouvellement du répertoire des acteurs. Il compose lui-même plusieurs chansons et ne tarde pas à aller solliciter la poétesse Anjela Duval qui écrit une vingtaine de chansons pour la troupe, dont certaines, comme « E-tal an tan » ou « An alc’hwezh aour », connaissent un très grand succès.

 

Maria Prat, née en 1906 et doyenne de la troupe, devient peu à peu la plume de la troupe pour des sketches et monologues inspirés de l’actualité (« Grev ar venajerien / La grève des paysans », « Pez-hini e Plouared / Pisani à Plouaret », « Marc’had ar Roc’h / Le marché de La Roche », etc.).

 

Jean Derrien entame une carrière prolifique d’auteur-compositeur-interprète et compose près de 20 chansons entre 1959 et 1966. Certaines de ces chansons connaîtront un succès important à l’image de « Pesketerien ar Ieodet » ou de « Jañ-Maï blev hir », pastiche d’une chanson d’Antoine à la mode à l’époque. Dès 1961 parait « Kanaouennoù ar beilladegoù », recueil de chansons des veillées trégorroises publié par les Presses bretonnes à St Brieuc qui éditeront en 1974 un second recueil intitulé « Nouvelles chansons du Trégor ».

 

En ce qui concerne la partie théâtrale, la troupe programme dans ses premières années des pièces ambitieuses comme « Ar Goulenn-dimezi (la demande en mariage) » adaptée de Tchékhov, ou « An Douger Tan (Le porteur de feu) » et  » Ar plah vud (La muette) » écrites toutes deux par Per-Jakez Hélias. Mais ce sont surtout les monologues et sketches d’actualité écrits par Maria Prat qui constituent l’essentiel du menu des veillées et en viennent peu à peu à représenter à eux seuls la totalité de la partie des veillées consacrée au théâtre. Maria Prat prend d’ailleurs la présidence de la troupe à la suite de Fañch Danno. Figure emblématique du Trégor, portant quotidiennement la coiffe, elle a 75 ans quand la troupe cesse son activité en 1981 et meurt centenaire en 2006.

 

Dès leur apparition en 1959 et jusqu’à leur extinction en 1981, les veillées de Strollad Beilhadegoù Treger sont programmées le samedi soir pendant la période hivernale, de la Toussaint à Pâques, en dehors de la période de grands travaux agricoles. Le nombre des communes visitées et le public touché par la troupe au cours de ces vingt ans sont impressionnants : 14 communes reçoivent la troupe au cours de l’hiver 1960-61 pour des séances réunissant entre 200 et 400 spectateurs, 19 communes en 1961-62, 10 communes seulement en 1962-63 (certaines veillées ayant dû être annulées à cause de la neige), 14 communes en 1963-64, 10 communes en 1964-65, etc.

 

La troupe « Strollad Beilhadegoù Treger » joue ainsi sans interruption jusqu’en 1969, puis de manière plus sporadique dans la décennie suivante. En novembre 1979, elle fête ses 20 ans avec à son actif 333 séances, 1000 heures de représentation et 70 000 spectateurs. En 1981, la troupe décide de quitter la scène, et en 1984 à Tonquédec elle rend un hommage particulier à Maria Prat devant 800 personnes.

 

Si la plupart des acteurs, conteurs et chanteurs concernés par cette aventure « raccrochent les crampons » après la dissolution de la troupe dans les années 1980, l’initiative de la jeune équipe de Dastum Bro Dreger de relancer à nouveau des veillées dans le Trégor à partir de la fin des années 1980 permet au public trégorrois de retrouver avec plaisir certains des acteurs de cette aventure, comme Jean Gouronnec, Bernard Le Ny, Jean-François Le Roy, Tinaig Perche, Amédée Barzic et bien d’autres…

Diffusion de l’information et promotion des veillées
Depuis 1997 et tous les ans en septembre, Dastum Bro Dreger prend en charge l’édition d’une plaquette commune à l’ensemble des veillées du Trégor. Cette plaquette, tirée aujourd’hui à 1500 exemplaires et financée par Dastum Bro Dreger, présente l’activité de l’association et ses éditions (CD et ouvrages sur le patrimoine oral du Trégor), donne le calendrier de l’ensemble des veillées de la saison future (lieux et dates pour la période d’octobre à avril-mai), présente une carte des communes organisatrices et rappelle quelques dates d’autres rendez-vous majeurs du secteur (éliminatoires du Kan ar Bobl pour le Trégor, fest-noz marquants, randonnées chantées, fêtes de sortie de CD ou d’ouvrages, etc.). Cette plaquette est largement diffusée sur tout le territoire dans les lieux publics et dans les veillées elles-mêmes.

 

Editions sonores sur les veillées
Deux générations d’éditions ont mis en lumière les veillées du Trégor depuis leur création en 1959. Les premières éditions ont concerné les veillées du Strollad Beilhadegoù Treger :
– « Kanaouennoù ar beilladegoù », premier recueil de chansons des veillées trégorroises publié en 1961 par les Presses bretonnes à St Brieuc
– « Les chanteurs des veillées du Trégor en 1962 », disque 33 tours de la collection Mouez Breiz édité en 1962
– « Les chanteurs des veillées populaires du Trégor – Les veilhadegou », disque 45 tours de la collection Mouez Breiz édité dans les années 1960
« Chanteurs des veillées bretonnes du Trégor », disque 45 tours de la collection Mouez Breiz édité dans les années 1960 (avec Jean Derrien, Tinaig Perche, Martha Mauger)
« Nouvelles chansons du Trégor », second recueil de chansons des veillées trégorroises édité en 1974 par les Presses bretonnes à St Brieuc

 

La seconde génération d’éditions a concerné les veillées organisées depuis 1990 à l’instigation de Dastum Bro Dreger. Cette association s’est attaché à conserver une trace sonore de ces veillées et a ainsi enregistré nombre de ces veillées entre 1990 et 2012. A noter également que plusieurs dépôts de collectes sonores à Dastum sont venus depuis enrichir ce fonds « veillées du Trégor » et ont concerné des enregistrements réalisés par des particuliers lors des veillées du Strollad Beilhadegoù Treger dans les années 1960-70.

 

Tous ces enregistrements concernant les veillées trégorroises sont aujourd’hui sauvegardés à Dastum. Ils sont désormais numérisés, documentés et accessibles à l’écoute sur internet sur le site des archives sonores de Dastum (http://mediatheque.dastum.net/).

 

Les éditions réalisées par Dastum Bro Dreger depuis 1990 ont largement puisé dans ce fonds.
– « Ret’ vije deoc’h bezan gwelet – 13 kontadenn fentus Bro-Dreger », Livret K7 n°5 de la collection Komz édité par Dastum en 1992 comprenant 13 histoires et contes en breton enregistrés lors de veillées organisées par Dastum Bro Dreger au début des années 1990
– « Ur wezh ‘oa bopred… Veillées en Bretagne (Chants, musiques et contes traditionnels) »,
CD-livret de la collection « Tradition vivante de Bretagne » édité par Dastum en 1998
« Ur wech e oa, ur wech e vo », beilhadegoù Bro-Dreger, livre de photos de Gilbert Le Gall prises lors de la saison 2001-2002 accompagnés d’un CD de contes et histoires des veillées trégorroises (Edition Dastum Bro Dreger, 2002)
« Kement a dud fur eget moc’h bade’et / Insultes et disputes en breton », ce septième CD de l’Encyclopédie sonore du Trégor-Goëlo, éditée par Dastum Bro-Dreger en 2005, propose l’enregistrement live du fameux championnat du monde d’insultes qui opposait en 2002 à Prat, les habitants du nord de la N12 à ceux du sud.
« Un nozvezh e Plougraz – Veillée du Trégor », CD édité en 2009 par Dastum Bro Dreger et regroupant 10 histoires et 4 chansons enregistrées lors des veillées de Plougras entre 2001 et 2008.
« Goude an overenn – Istorioù fentus Bro-Dreger », CD édité en 2013 par Dastum Bro Dreger et regroupant 14 histoires et 3 chansons sur le thème des curés

Documentation / éléments bibliographiques/inventaires déjà réalisés :

 

Sur les veillées en Bretagne :
ARIBART, H. La Grande Veillée. Les voies de l’oralité convergent en pays nantais, Musique Bretonne, n° 164, janvier 2001
Dastum, Veillées en Bretagne, Musique Bretonne, n° 67, janvier 1987
GIRAULT, S. La Grande Veillée. Avec Dastum 44 à Nantes, Musique Bretonne, n° 166, mai 2001
LEBRUN, P., Assemblée du Peuilli de Pieurmé… ou la reconnaissance d’une culture oubliée, Musique Bretonne, n° 3, avril 1980
MALRIEU, P. Veillées en Bretagne, Musique Bretonne, n° 75, octobre 1987
MOREL, V., Veillées en Bretagne. Des espaces d’expression et de convivialité, Musique Bretonne, n° 213, mars 2009
RIVOALEN, S., BINET, C., CORNIC, J., ARIBART, H. Les veillées Dastum. Echanges entre générations, Musique Bretonne, n° 169, novembre 2001

 

Sur les veillées du Trégor :
CORNIC, J., Gast ar c’hast, kampionad ar c’hunujennoù brezhonek, Musique Bretonne, n°171, mars-avril 2002
CORNIC, J., Beilhadegoù Bro-Dreger/Les veillées du Trégor (Ur wech e oa, ur wech e vo…), Musique Bretonne, n° 175, novembre 2002
CORNIC, J., Un nozvezh e Plougraz. Une veillée à Plougras, Musique Bretonne, n° 218, janvier 2010
GIRAUDON, D. Jeux de veillées, Musique Bretonne, n° 64, septembre 1986 GUILLOREL, Eva, Maria Prat, ArMen n° 154
LAOUENAN, R. Comment furent fondées les Beilhadegou (veillées bretonnes du Trégor), Musique Bretonne, n° 118, juin 1992
LASBLEIZ, B. Maria Prat et les veillées du Trégor, Musique Bretonne, n° 116, mars 1992
PIRIOU, Yann-Ber, Une expérience de théâtre en langue bretonne dans le Trégor de 1959 à 1965, Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest. Tome 92, numéro 3, 1985. pp. 289-308.

Articles de presse des années 1950 et 60 (Ouest-France, Le Télégramme)

Nom de l’enquêteur ou des enquêteurs : Ifig Le Troadec

Dates et lieu(x) de l’enquête : printemps 2013
Date de la fiche d’inventaire : mai 2013
Nom du rédacteur de la fiche : Ifig Le Troadec
Supports audio : 2 extraits sonores d’une veillée à Plougras le 29 novembre 2002 (Ar wenanenn conté par Maurice Prigent et An doganed chanté par Sylvain Le Roux)