Le Gouren est une lutte qui se pratique uniquement debout. Le but est de marquer un Lamm, c’est à dire de projeter son adversaire sur le dos.

Règles de base

Le Gouren est une lutte qui se pratique uniquement debout. Le but est de marquer un Lamm, c’est à dire de projeter son adversaire sur le dos. Les lutteurs accrochent leurs mains à la roched (chemise en langue bretonne) adverse au-dessus de la ceinture (celle-ci comprise). Avec leurs pieds, les lutteurs peuvent faire des balayages, fauchages, barrages ou klikedoù (enroulés de jambes). Les attaques de jambes se font sous la ceinture. Lors d’une projection, l’attaquant doit contrôler la chute de son adversaire, pour sa sécurité et pour le résultat. Toute violence est proscrite tant au niveau verbal que physique. Le refus de combat est sanctionné. Le lutteur doit en permanence attaquer, contre-attaquer ou se laisser attaquer.

 

Les compétitions

Il existe plusieurs formes de compétitions différentes :
• Compétitions d’hivers, dites « modernes », en salle sur tapis (« pallenn » en breton) : challenges individuels et par équipe, championnats départementaux et de Bretagne.
• Tournois traditionnels d’été : pratique à l’ancienne (« mod kozh ») par défi où l’enjeu de la compétition peut être le gain d’un bélier (vivant !). Le vainqueur est celui qui arrive à vaincre 3 adversaires consécutivement, ou bien encore tournoi avec appariement par tirage au sort tel qu’en salle en hiver.
• Championnats européens réunissant une dizaine de pays européens en style Gouren et Back-Hold (lutte écossaise) tous les ans.

 

Le combat de Gouren est, en lui-même, spectaculaire, le but du combat (recherche de la chute sur le dos avant tout autre partie du corps) implique des projections impressionnantes mais néanmoins maîtrisées qui confèrent son aspect esthétique à la pratique.
Le fonctionnement particulier du tournoi à l’ancienne d’été donne des moments sportifs très intéressants ou le lutteur doit être capable de gérer son effort mais aussi de se dépasser pour pouvoir emporter le trophée (obtention de 3 victoires consécutives). Suspense assuré !
Le Gouren est aussi une activité marquée d’identité culturelle : arbitrage, consignes, … en langue bretonne ; c’est une activité intimement liée aux pratiques ludiques des Bretons depuis plusieurs siècles.

 

Les rituels

Plusieurs rituels sont des marqueurs identitaires de la pratique du gouren, encore de nos jours.
• Le serment : Prêté en Breton puis en Français avant chaque compétition, il énonce les valeurs fortes de notre pratique avec le respect (de l’adversaire, de l’arbitre des anciens,…) en point d’orgue.

 

Le Serment en breton
M’hen tou da c’houren gant lealded Hep trubarderez na taol fall ebet Evit ma enor ha hini ma bro
E testeni eus ma gwiriegez Hag evit heul kiz vad ma zud koz
Kinnig a ran d’am c’henvreur ma dorn ha ma jod.

Sa traduction en français
Je jure de lutter en toute loyauté Sans traîtrise et sans brutalité
Pour mon honneur et celui de mon pays En témoignage de ma sincérité
Et pour suivre la coutume des ancêtres
Je tends à mon adversaire ma main et ma joue.

 

Le serment, tel qu’il existe aujourd’hui, date des années 30, il est riche en symboles de l’époque (hygiénisme, nationalisme, …), de nos jours, on ne parlera plus de pays mais de son club, de sa commune ou de sa région. D’autres formes de serments ont pu exister avant les années 30, ils étaient souvent empreints de superstitions (« n’emploies –tu pas, contre moi, ni sortilèges, ni sorcelleries, … »).
• L’accolade : les lutteurs se font l’accolade : ils touchent 3 fois la joue de l’adversaire au début à la fin du combat.
• Le dornad ou poignée de main : les lutteurs se serrent la main au début de combat et après chaque chute. La poignée de main engage le combat.
L’accolade et la poignée de main formalisent l’accord de loyauté.
• Le tournoi mod kozh ou à l’ancienne (CF. volet compétitions) reprend l’organisation traditionnelle de la compétition. Le lutteur en lice défie ses pairs en tournant (sens inverse des aiguilles d’une montre) tout autour de la surface de sciure de bois (de forme ronde) jusqu’à ce qu’un de ses adversaires relève son défi en venant à lui et en lui tapant sur l’épaule. Le vainqueur est celui qui défait 3 adversaires consécutivement.

 

Les Publics

Actuellement la Fédération de gouren compte plus de 1600 licenciés en son sein (gestion autonome de la pratique).
Toute l’année les adhérents peuvent s’entraîner à la pratique du Gouren dans plus de 40 skoliou (écoles) Gouren répartis sur toute la Bretagne avec une majorité de pratiquants dans le Finistère (environ la moitié des pratiquants dans le Finistère).
La pratique s’est peu à peu ouverte auprès de nouveaux publics : les féminines, les enfants à partir de 4 ans (« babigouren »), les pratiquants loisirs…
Plusieurs milliers de scolaires sont initiés tous les ans à la pratique : par les permanents professionnels de la Fédération ou de ses structures déconcentrées (comités départementaux).

Une tenue spécifique, une « roched » chemise de toile épaisse de couleur blanche portant une ceinture se lassant sur le coté. La chemise permet aux lutteurs (ses) de se saisir pour effectuer différentes techniques de lutte. Les pratiquants sont aussi revêtus du « bragou », pantalon de couleur noire se lassant au dessus du genou et permettant aux lutteurs (ses) d’accrocher le kliked (enroulée de jambe), technique emblématique du gouren. Cette tenue, modernisée, est un héritage du vêtement de travail du paysan breton.
La pratique se réalise sur tapis pour les entraînements et les compétitions d’hiver. En été la pratique de plein air s’effectue, traditionnellement, sur une surface de sciure de bois (non traitée).

 

Matériaux (origine, fournisseurs, exploitation, difficultés d’approvisionnement)
Depuis quelques années, les tenues (roched et bragou) sont fabriquées par l’entreprise bretonne de confection « Armor Lux », ce qui a résolu nos problèmes antérieurs d’approvisionnement.
Les tapis que nous utilisons pour les compétitions d’hiver, les entraînements et les initiations scolaires sont achetés auprès d’entreprises spécialisées dans l’équipement sportif. Nous ne rencontrons pas de problème d’approvisionnement si ce n’est le prix relativement élevé de ce type de produit.
La sciure de bois utilisée en pratique de plein air est acquise auprès de scieries locales.

La région administrative de Bretagne, de manière plus sporadique en Loire Atlantique, région parisienne et potentiellement tout le territoire français.
De nombreux échanges internationaux se font au sein d’une confédération européenne de luttes traditionnelles regroupant une dizaine d’états différents : La FILC (Fédération Internationale de Luttes Celtiques) créée en 1985 à l’initiative d’acteurs de la Fédération de gouren. Ces échanges prennent la forme de compétitions : championnat européen de luttes celtiques : seniors, espoirs et féminines ainsi qu’organisation de compétitions « ouvertes » dans un style de lutte spécifique) mais aussi stages internationaux, formation à l’arbitrage,…
Des échanges hors FILC ont aussi lieu : avec des lutteurs nigériens en 2007 et tunisien en 2009. La fédération de gouren est complètement ouverte au vaste monde des luttes traditionnelles (plus de 220 styles de lutte encore pratiqués dans le monde).

Le premier lieu d’apprentissage du Gouren est le club (« skol Gouren ») ou des moniteurs / initiateurs formés par la fédération de Gouren transmettent la pratique auprès des adhérents.
La Fédération de gouren forme ses cadres : animateurs, entraîneurs, arbitres, responsables de compétitions, responsables de clubs. Un calendrier de formation est mis en place et gérée par plusieurs commissions fédérales (commission technique, commission d’arbitrage, commission des compétitions).
De nombreux stages permettent aux adhérents de se former tout au long de l’année ; des formations à la carte sont régulièrement menées pour répondre à des attentes spécifiques d’adhérents.
La Fédération de gouren, par le biais des commissions concernées, organise ses propres examens : initiateurs 1er et 2ème degré ; moniteurs 1er et 2ème degré ; arbitres 1er et 2ème degré.

Les origines

La lutte traditionnelle de Bretagne (Gouren) aurait été importée de Grande Bretagne lors des migrations du 4ème siècle. C’était un sport très prisé et pratiqué par les nobles tout au long du Moyen Age. Un jeu pour s’entraîner, se préparer à l’art guerrier, et un moyen de montrer sa bravoure et son adresse lors de tournois. Les qualités premières des guerriers étant, à l’époque, la force et l’adresse, la pratique de la lutte fait partie de l’entraînement militaire des soldats mais aussi, de la noblesse.
Cette dernière aimait à s’entourer de ces redoutables guerriers (les lutteurs bretons) qui faisaient honneur au duché de Bretagne. Certains ducs bretons (ex : Pierre II ou Arthur III au XVème S.) venaient rendre hommage au roi français accompagnés de la fine fleur de la lutte Bretonne recrutée pour l’essentiel en Basse Bretagne. Les aspects spectaculaires et divertissants étaient appréciés si bien que la lutte fut très souvent présente dans les grands cérémonials de l’époque : ainsi en 1505, lors de la tournée d’Anne de Bretagne en son duché, furent organisés à Guingamp (au Cloître des Cordeliers) des combats de Lutte Bretonne.

 

Une pratique paysanne

Le Gouren se démocratise peu à peu et devient un sport très populaire dans les campagnes. Les paysans s’entraînent au champ après leur journée de labeur. Le dimanche est l’occasion de rencontrer les lutteurs des paroisses voisines, et de défendre l’honneur de son village. Un serment était déjà prêté avant chaque tournoi. Dans la société rurale bretonne, les qualités physiques et morales prédominantes sont celles que l’on retrouve dans la pratique de la lutte mais aussi dans le labeur quotidien : la force, l’adresse et surtout l’honneur sont l’apanage des bons lutteurs et des bons travailleurs.
Après la première guerre mondiale le Gouren commence à perdre un peu de sa notoriété avec l’apparition de nouveaux sports mais reste, néanmoins, pratiqué.

 

L’avènement d’un sport moderne

En 1930, un médecin de Quimperlé, le docteur Charles Cotonnec décide de donner un coup de jeune à ce sport. Il crée une première fédération, La FALSAB (Fédération des Amis des Luttes et Sports Athlétiques Bretons) qui adopte un fonctionnement calqué sur le mouvement sportif qui depuis la fin du XIXème Siècle se répand sur le territoire national. Cotonnec impose un temps de combat, des résultats intermédiaires permettant de gagner le combat à l’issue du temps imposé (auparavant le combat durait jusqu’au Lamm, résultat parfait), une surface de combat limitant les risques de blessures (lice de sciure). La FALSAB instaure donc une « spatialisation » (lieux dédiés à la pratique sportive) et une « temporalisation » (calendrier de compétitions) de la pratique du Gouren : le Jeu traditionnel devient un sport et « les luttes » (règles orales et disparités de pratique suivant les terroirs) deviennent la Lutte Bretonne (codification, la règle écrite est la même pour tout le monde).
Depuis et après quelques évolutions, le gouren est devenu un sport moderne (« sportivisation » du Gouren) avec la création de la Fédération de gouren en 1980 qui s’affile à la Fédération française de Lutte en 1995.

 

Historique particulier de l’entreprise, de la personne ou de l’organisme, de la forme d’expression ou de l’espace culturel faisant l’objet de la fiche :

La pratique du Gouren s’étant tournée vers un développement sur le modèle sportif à partir des années 1930, les spécificités locales ont été peu à peu gommées au profit d’une pratique uniformisée.
Certains des quelques 40 clubs de Gouren ont une histoire locale relativement ancienne : depuis années 60–70 pour les plus anciens clubs.

Organisation interne de la Fédération de Gouren pour la formation / transmission de la pratique auprès des adhérents annuellement :

• 4 stages moniteurs + examens
• 2 stages initiateurs + examen
• 1 stage d’arbitre régional + examen
• Nombreuses formations locales à la carte tout au long de la saison sportive.
• Participation d’adhérents Gouren à des formations professionnelles diplômantes (Brevets d’Etat d’Educateurs Sportifs)

 

Professionnalisation de l’encadrement depuis les années 2000 :

• Développement du nombre de skol gouren (club), environ la moitié des clubs et des adhérents sont entraînés par des professionnels.
• Actions de popularisation de la pratique auprès du monde scolaire et de partenaires éducatifs (centre de loisirs…) : environ 6000 scolaires différents sont initiés tous les ans, plusieurs milliers d’enfants de centres de Loisirs…
• Dynamique de projet et développement de la pratique : nouveaux publics, structuration accrue de la pratique, développement et diversification de l’offre de services pour les adhérents (stages ados, féminins…), organisation de manifestations…

 

De nombreux outils de communications interne et externe permettent à la Fédération de Gouren de communiquer auprès des adhérents et vers le grand public : site internet, plaquettes et affiches promotionnelles, brochures d’information…

 

L’organisation de nombreuses manifestations : compétitions d’hiver, tournois traditionnels l’été permettent à quasiment l’ensemble des adhérents une pratique collective sur l’ensemble de l’année. Ces manifestations sont autant d’évènements permettant aux clubs organisateurs de communiquer auprès du grand public et des pouvoirs publics. Elles ont connu et connaîtront probablement encore des évolutions pour une meilleure adaptation au public adhérent : enfants, féminines, pratiquants débutants…

La Fédération de Gouren et ses instances déconcentrées, clubs et comités départementaux, ont tissé des partenariats à tous les échelons des collectivités territoriales : des municipalités aux Conseil Généraux (Finistère, Côtes d’Armor, Morbihan et Iles et Vilaine) ainsi qu’avec le Conseil Régional de Bretagne. Certains de ces partenariats sont soumis à convention : le Comité du Finistère de Gouren avec le Conseil Général du Finistère, la Fédération de Gouren avec le Conseil Régional.

La Fédération de Gouren affiliée à la Fédération Française de Lutte (qui obtient la délégation pour la lutte Bretonne en 1954) bénéficie d’une reconnaissance du mouvement sportif : le mouvement sportif olympique associatif (CROS et CDOS), les services de l’état (DRCS et DDCS) qui lui permettent de mener des actions et d’obtenir des aides comme toutes autres fédérations sportives agréées.
La Fédération de Gouren est aussi reconnue par le mouvement culturel Breton (un siège au Conseil Culturel de Bretagne).

A deux reprises, en 2007 et 2009, la Fédération de Gouren a obtenu des fonds européens pour mener à bien des actions d’échanges et de formations avec ses partenaires européens réunis au sein de la FILC. Ces partenaires européens obtiennent aussi ce type d’aides pour des actions similaires.

Cf. Actions de Valorisation.
La récente convention signée entre la Fédération de Gouren (FDG) et sa fédération de tutelle, la Fédération française de Lutte (FFL), peut être considérée comme une mesure de sauvegarde car elle fixe clairement les termes du partenariat entre la FFL et la FDG. Une première convention signée en 1995 était remise en cause juridiquement par la FFL. Cette nouvelle convention rappelle le fonctionnement complètement autonome de la Fédération de Gouren (gestion des licences, des formations, des compétitions…) vis-à-vis de la FFL ; un partenariat est maintenue sur les formations fédérales (uniformisation des formations) qui seront, à l’avenir, diplômantes (allègement de formations pour l’acquisition de futurs diplômes professionnels).

Dates et lieu(x) de l’enquête : de janvier à juin 2012
Date de la fiche d’inventaire : 25 juillet 2012
Nom de l’enquêteur ou des enquêteurs : Fédération de Gouren
Nom du rédacteur de la fiche : Bertrand Le Hellaye