Actualités

Le patrimoine pousse aussi dans la nature !

Le collectage auprès des personnes détentrices d’un savoir sur les plantes est essentiel pour la sauvegarde et la transmission de ce patrimoine immatériel. Ici Henri Morvan qui partage son savoir. Photo : Éric Legret.

Des plantes sauvages comestibles aux recettes pour soigner infections ou maladies, les connaissances et savoir-faire liés aux plantes représentent un ensemble de pratiques sociales, culturelles et économiques encore présentes mais fragilisées en Centre-Ouest Bretagne. Quelle plante permet de soigner une verrue ? Soulager une brûlure ? Faut-il frotter la plante sur la peau ? Faut-il seulement utiliser les feuilles ? Tout ce savoir populaire faisait partie des connaissances que partageaient les Centre-Bretons et qui s'oublie au fil du temps. Citées à plusieurs reprises lors des réunions publiques organisées lors de la première phase de l’inventaire, ces connaissances sont reconnues par la population comme faisant partie intégrante de leur patrimoine culturel immatériel, tant pour leurs applications médicinales (aussi bien pour l’homme que pour les animaux) que pour se nourrir. Beaucoup regrettent très souvent la quasi disparition de leur transmission.

L’ethnobotanique?
L’ethnobotanique (contraction d'ethnologie et de botanique) est l'étude des relations entre l'homme et les plantes. Ce travail d’observation et d’étude des plantes, certains en ont fait leur métier. Ces observateurs avisés parcourent la campagne pour étudier les plantes et collecter auprès de ceux qui les connaissent. Le travail des ethnobotanistes est avant tout de recueillir les savoirs et les savoir-faire autour de ces plantes pour mieux connaître leurs possibles usages, ainsi que les dangers qu’elles représentent lorsqu’elles sont mal utilisées.
Les années 2000 marquent l’essor de l’ethnobotanique en Bretagne. Un grand collectage est lancé par des amateurs, des professionnels ou encore des chercheurs. Dans un premier temps, l’urgence est à la collecte de la mémoire de personnes détentrices de connaissances populaires sur les plantes. Il faut le faire rapidement car, bien souvent, ces personnes sont âgées. Une fois ce premier travail accompli, il est possible de relier le contenu des collectes à des documents déjà existants afin de compléter ces connaissances. Ce travail peut ensuite faire l’objet d’ouvrages qui recensent et transmettent ce savoir populaire.

Collectes et valorisation en Centre-Ouest Bretagne
Aujourd’hui, la transmission de ces savoirs au sein du cercle familial se perd. Ce sont principalement des initiatives personnelles ou associatives qui assurent cette mission de partage des connaissances afin de ne pas perdre cette richesse. Les résultats d’enquête sont notamment partagés sur Internet (lire l’interview de Viviane Carlier). Des parcs naturels régionaux, écomusées et des herboristes professionnels organisent également des ateliers ou balades autour de la connaissance des plantes, comme le Parc Naturel régional d’Armorique qui a organisé plusieurs sorties animées par des spécialistes.
Dans le Centre-Ouest Bretagne, il existe quelques associations qui travaillent à faire « redécouvrir l’usage des plantes ». Flora Armorica, Cicindel ou encore Herborescence organisent des collectes populaires, sensibilisent les publics à la flore qui les entoure, proposent des ateliers artistiques, ou encore des projets pédagogiques en lien avec la nature.  Certaines proposent également des formations pour les personnes qui souhaitent aller sur le terrain individuellement.

Des indices linguistiques
Mieux connaître les plantes et leurs propriétés permet de bien les utiliser ou de les éviter afin de ne pas s’empoisonner. Pour cela, il est intéressant de se pencher sur leurs différentes appellations en breton. Le terme « louzoù* », d’ailleurs, est employé pour parler affectueusement de certaines plantes en breton et fait référence à leurs facultés guérisseuses. Ce terme désigne également, par extension, un remède, ou encore un médicament. Les appellations de certaines variétés en breton peuvent parfois indiquer leurs dangers. Aussi pour éviter un empoisonnement, on donnait souvent le nom d’un animal repoussant comme le crapaud qu’on associait aux champignons. Ainsi, étaient-ils nommés : kabell touseg, tog touseg, bonbon touseg ou boued toñseg, tabouret de crapaud, bonbon de crapaud, nourriture de crapaud.
L'ethnobotanique et les savoirs naturels, au-delà de la connaissance scientifique, contribuent à la préservation d’une diversité culturelle et naturelle. Bien que fragiles, ces savoirs bénéficient d'un regain d'intérêt dans une société de plus en plus sensible à la préservation de la biodiversité et aux enjeux écologiques. Cette demande sociale se manifeste par un nombre croissant de participants désireux  de s'imprégner de ces savoirs populaires. De là à dire que ces connaissances “reviennent à la mode”,  il n’y a qu’un pas !

 * médicament en breton 

Mikaël Le Bihannic

Article paru dans Le Poher
Semaine du 24 au 30 mars 2021

Une plante que vous pouvez croiser en vous promenant : le nombril de Vénus. Elle est souvent utilisée pour des petits bobos ou des brûlures. Il faut pour cela détacher la petite peau pour s'en servir de pansement. Photo : Flora Armorica.

3 questions à Viviane Carlier, membre de l’association Flora Armorica 

Qu’est-ce que Flora Armorica?
Flora Armorica est une association qui travaille au collectage ethnobotanique, c’est-à-dire qu’elle réalise des enquêtes auprès de la population et dans les ouvrages existants sur tout ce qui est relation homme/plante. Nous fonctionnons habituellement en « pôles géographiques ». La situation sanitaire a complexifié ce fonctionnement mais l’association a continué de travailler. Nous profitons de cette « pause », notamment, pour faire de l’administratif en montant des dossiers de demandes de subventions pour nous permettre de finaliser et de rendre accessible notre base de données où seront accessibles le plus possible de transcription d’enquêtes réalisées par les différents pôles*. 

Comment s’organisent ces enquêtes?
Nous avons instauré un protocole d’enquête à suivre dès le début de l’association. Nous étions plusieurs spécialistes de l’ethnobotanique et associations à travailler sur cette collecte d’informations. Nous formons aussi des enquêteurs à mener leurs propres enquêtes en autonomie dans les différents pôles. Ce sont ensuite les animateurs de pôles qui saisissent les données sur Internet et organisent des manifestations. Toute personne souhaitant participer à la collecte peut le faire en rejoignant l’un des pôles existants. 

Qu’est-ce que ces enquêtes vous apprennent ?
Nous travaillons sur toute la Bretagne. Pour ce qui est du Centre-Ouest Bretagne, c’est le pôle de Carhaix qui s’en charge. Ce qui est frappant, c’est que l’on continue toujours de trouver de nouvelles choses, de nouvelles données ou des nouveaux usages, comme par exemple avec le nombril de Vénus (n.d.l.r : la plante qui sert au logo de l’association). On constate surtout que, par le passé, les gens se soignaient très peu par eux-mêmes, sauf pour les pathologies de base. En dehors de cela on faisait appel à des guérisseurs ou colporteurs qui soignaient. En local, il y avait très peu de plantes utilisées en tisane par exemple, surtout sur le Centre-Bretagne, contrairement à la côte où leur utilisation en interne était plus fréquente. On peut également expliquer le fait que la population s’est détournée de ces pratiques par une grande période de dénigrement de ces connaissances au début du siècle dernier. L’utilisation populaire des plantes n’était pas considérée comme des savoirs « scientifiques », d’où un certain mépris qui lui était associé. Néanmoins des choses ont perduré et notre travail est de transmettre tout cela. 

* Flora Armorica a lancé un appel aux dons afin de pouvoir terminer la restructuration de la base de données existante et rendre accessible ces informations à tous. contact@flora-armorica.org 

Informations

Article publié le