La JCR-LC-LCR, un courant trotskiste dans la Bretagne des « années 1968 »

Image en une du journal La taupe bretonne n°4 (LCR)

Auteur : Hugo Melchior

Si la Bretagne se révéla dans les « années 1968 » une terre de prédilection pour les organisations dites « maoïstes », une organisation trotskiste, que ses militants prirent l’habitude d’appeler « la Ligue », compta, elle aussi, parmi les acteurs du champ politique breton.

Jusqu’au printemps 1968, l’étroitesse du nombre des militants révolutionnaires demeura en Bretagne, comme en France, inversement proportionnelle à leur ambition. Leur projet ? Édifier un parti révolutionnaire d’avant-garde lié à la classe ouvrière pour conquérir le pouvoir d’État par la voie extra-légale, et remettre par là même en cause la « domination économique de la bourgeoisie » en supprimant les rapports capitalistes de production. Mai 1968 permit aux organisations d’extrême gauche de connaître une visibilité nouvelle et un développement inédit grâce à l’afflux de plusieurs milliers de nouveaux militants, très majoritairement des lycéens et étudiants.

Parmi ces organisations malproprement appelées « gauchistes » se distingua la Ligue communiste (LC). Organisation trotskiste, créée clandestinement au cours d’un congrès en avril 1969 à Mannheim en Allemagne, elle devint à cette occasion la section française de la Quatrième Internationale – Secrétariat unifié. Trois militants ont joué un rôle clé dans la construction de la Ligue communiste en Bretagne : André Fichaut à Brest, Édouard Renard à Saint-Brieuc, et Jean-Yves Le Goff à Rennes.

La JCR à Rennes

Le 11 mai 1966, Jean-Yves Le Goff lança avec une dizaine de lycéens et d’étudiants inexpérimentés le Groupe de Rennes de la Jeunesse communiste révolutionnaire JCR. Âgé de 27 ans, il était devenu militant trotskiste pendant la guerre d’Algérie.

L’Antidote n°1 (janvier 1968), Journal du groupe de Rennes de la JCR, Archives privées de l’auteur

Cette dizaine de militants vendirent régulièrement à la porte des lycées et dans les facultés l’organe national de la JCR, l’Avant-garde jeunesse, tout en développant leur propre journal, l’Antidote, un bimestriel. Le local « officieux » de la JCR à Rennes était l’appartement de Jean-Yves Le Goff, au dernier étage d’un immeuble en haut de la rue de Saint-Brieuc. Les réunions militantes s’y tenaient, les tracts y étaient tirés et des livres stockés. Outre la dénonciation de la guerre au Vietnam et de l’impérialisme américain, ils soutinrent les mobilisations de salariés annonciatrices de mai-juin 1968, comme en juin et en octobre 1967 à Redon.
Ils s’impliquèrent, dès le début du mois de mai 68, au sein de ce qui deviendra le mouvement étudiant rennais. En solidarité avec les étudiants parisiens confrontés à la répression policière, les militants de la JCR, au nombre d’une quinzaine, poussèrent à l’occupation de la Faculté des sciences à Beaulieu, avant de participer avec l’UNEF et d’autres organisations dites « gauchistes » à l’occupation quotidienne des locaux déserts de l’ancienne Faculté des lettres, place Hoche.

La JCR comptait en Bretagne trois sections, Rennes, Nantes et Brest (avec notamment le jeune militant Pierre Le Goïc, futur théoricien de la « question bretonne » à la LCR). Elle fut dissoute par un décret présidentiel le 12 juin 1968, à l’instar d’une dizaine d’organisations d’extrême gauche, dont le PCI. À la rentrée universitaire de septembre, les activités militantes reprirent à Rennes, comme ailleurs en Bretagne, autour de la diffusion du nouvel organe de presse, Rouge, dont le premier numéro date du 18 septembre 1968.

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