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Haies et biodiversité

Illustration de couverture : les prairies naturelles offrent une grande diversité floristique avant la fauche. Photographie : Marc Rapilliard

 

Les facteurs de la diversité biologiques des haies

Syrphe butinant un coquelicot. Photographie : Bernard Chaubet

On peut identifier deux échelles principales de facteurs agissant sur la biodiversité :

  • au niveau des haies : la nature des arbres, leur histoire et leur mode de gestion, ainsi que la gestion de la strate herbacée au pied de la haie.
  • au niveau du paysage : le réseau de haies connectées (le bocage) permet la circulation et la diffusion des espèces.

Gazé, papillon dont la présence est associée à l'aubépine. Photographie : Bruno Rolland

Le niveau de la haie

Structure de l’ensemble haie talus fossé

Les haies situées en bord de parcelle agricole, ou le long d’une route ou chemin, ont souvent été plantées sur un talus bordé d’un fossé. Cet ensemble forme le « bord de champ » qui peut être plus ou moins important dans sa largeur et plus ou moins complexe en fonction de la hauteur du talus, de la profondeur du fossé, de la présence parfois de plusieurs rangées d’arbres. Plus il est large et complexe et plus il va accueillir une flore et une faune variées. Le cas des chemins creux, bordés de deux haies est particulièrement intéressant. Un grand nombre d’espèces forestières de plantes et d’insectes y trouvent des conditions favorables à leur installation et leur développement.

Jeune renard.Photographie : Michel Coquelle

La gestion des arbres

Les arbres de la haie ont de multiples usages, ils fournissent du bois d’œuvre, de chauffage, d’ébénisterie, ils produisent du fourrage, de l’ombre et un abri contre le vent et la pluie pour les animaux.  En fonction de ces usages les formes d’entretien se sont diversifiées et les essences ont été sélectionnées offrant ainsi des habitats de nature variée à la faune et à la flore herbacée. Par exemple les arbres têtards, qui peuvent être âgés de plus de cent ans accueillent sous leur écorce et dans leurs cavités de nombreuses espèces d’insectes, dont certaines rares comme le pique prune ou la rosalie des Alpes, des oiseaux et des petits mammifères.

Lièvre au sortir d'une haie. Photographie : Michel Coquelle

La gestion de la strate herbacée

Au pied de la haie la strate herbacée de largeur variable (quelques mètres) est entretenue par les agriculteurs ou les collectivités lorsqu’elle borde une voie de circulation. Les modalités d’entretien, fauche, feu, herbicides… agissent sur la diversité végétale. L’utilisation récurrente d’herbicides d’une année sur l’autre conduit très rapidement à un appauvrissement et une banalisation de la flore. Ceci entraîne une modification des communautés d’insectes, en particulier pour les espèces floricoles (papillons, bourdons…).

Pique-prune. Photographie : Bernard Chaubet

Le niveau du paysage

Les échanges haie-parcelles 

De nombreux animaux utilisent tour à tour la haie et les parcelles adjacentes pour bénéficier de ressources variables soit dans le temps soit dans l’espace. Les oiseaux qui nichent dans la haie se nourrissent des graines et des insectes présents sur les bords de champ, mais aussi dans les parcelles agricoles voisines. De nombreux insectes cherchent refuge dans la haie après les récoltes, ils y trouvent nourriture et sites d’hibernation. Le mulot sylvestre utilise ainsi la haie en hiver et les différentes cultures, du printemps à l’automne.

Argus vert sur une fleur d'ajonc. Photographie : Bernard Chaubet

Le réseau de haies : la connectivité

La richesse d’une haie dépend de sa place dans le réseau bocager. Les animaux circulent d’une haie à l’autre et les plantes colonisent souvent à partir d’éléments voisins de même nature. Un réseau de haies continu, sans trouées, accueille des espèces à faible pouvoir de dispersion. Par exemple le pique-prune présent dans les arbres têtards du bocage de l’Orne est d’autant plus abondant que le réseau de haies était dense en 1960, permettant une colonisation d’arbre en arbre.

Larve de chrysope. Photographie : Bernard Chaubet

Chrysope adulte. Photographie : Bernard Chaubet

La mosaïque paysagère

La diversité des parcelles : cultures, prairies, bois, landes… leur taille, leur forme déterminent l’hétérogénéité du paysage. Plus elle est importante et plus la disponibilité en habitats différents, en ressources trophiques variées est importante. Ceci permet à un plus grand nombre d’espèces de se développer au niveau du paysage et d’utiliser les haies en particulier. Par exemple, on a montré l’effet positif de la présence et de la surface des bois et des jardins, dans le paysage environnant, sur la richesse en espèces d’oiseaux nicheurs des haies.

Bourdon butinant des fleurs de tomate et de tournesol. Photographies : INRA.

Les services rendus par la biodiversité des haies

La pollinisation

Les abeilles et bourdons sont les principaux pollinisateurs des plantes sauvages et cultivées. Ces espèces sont en déclin à cause de l’usage massif d’insecticides et de fongicides, qui causent la mortalité directe des individus ou perturbent gravement leurs fonctions vitales, et l’usage d’herbicides, qui diminuent la quantité et la diversité des plantes, réduisant ainsi leurs ressources alimentaires. Elles pâtissent enfin de la perte des milieux naturels et semi-naturels, privant ces espèces de nourriture et  de lieux de nidification ou d’hivernation.

Hanneton. Coléoptère autrefois courant dans les haies de chêne, il est devenu rare dans le bocage rennais. Photographie : Bruno Rolland

L’accroissement de la proportion de trame verte d’un paysage, en particulier du linéaire de haies et bords de champs enherbés, augmente la richesse spécifique en abeilles et bourdons car ces insectes ont besoin d’un habitat leur fournissant des ressources alimentaires, un site et des matériaux pour la nidification.

Souvent, dans les paysages agricoles, ces différents besoins ne peuvent être satisfaits au même endroit. L’habitat des espèces consiste alors en plusieurs habitats partiels, l’un hébergeant le nid, d’autres les plantes butinées. Le maintien des populations dans ce type de paysage dépend alors de leur capacité de déplacement et de la distance séparant les différents habitats partiels. La capacité de déplacement est proportionnelle à la taille des espèces.

La psylle du poirier et ses oeufs. Cet insecte cause des dégâts aux vergers. Photographie : Bernard Chaubet

Ainsi, le bourdon terrestre peut se nourrir à plus de 2 km du nid, traversant jusqu’à 600 m de forêts, alors que les abeilles solitaires ont une aire de vie réduite et sont plus sensibles à la fragmentation de la trame verte.

 

Le contrôle des ennemis des cultures       

Les haies et bords de champs interviennent dans les régulations biologiques en augmentant l’hétérogénéité du paysage et la diversité des habitats pour la faune et la flore. Par exemple, les dégâts causés par le méligèthe sur le colza sont limités dans les paysages hétérogènes par l’augmentation de leur taux de parasitisme par des insectes auxiliaires.

Aphenilus abdominalis, minuscule hyménoptère parasite des pucerons, pond ses oeufs dans sa victime. Photographie : Bernard Chaubet

  • La présence de haies et la mosaïque de cultures limitent les pullulations de campagnols dans les paysages agricoles. La présence de haies et de bosquets favorise les prédateurs généralistes comme le renard, le chat sauvage, les rapaces qui exercent une prédation continue et forte sur les petits mammifères. À l’inverse, les zones d’openfield sont plus favorables aux spécialistes qui ont un effet déstabilisateur sur les populations.
  • La présence de haies diversifiées à proximité des vergers de production permet de réduire les attaques d’insectes et donc la consommation de produits insecticides. Par exemple, plus il y a de haies de composition variée autour des vergers de poiriers, plus la richesse des espèces auxiliaires est grande. Le psylle, ravageur clé des vergers commerciaux de poiriers, est ainsi régulé par quelques parasites auxiliaires.

Les méligèthes occasionnent des dégâts en consommant les fleurs de colza. Photographie : Bernard Chaubet

La transformation des nutriments

Les haies du bocage participent à la transformation des « polluants » agricoles, et notamment des nitrates, grâce à deux processus biologiques. D’une part la croissance des arbres de la haie permet de stocker de l’azote sous forme de biomasse, accumulation dans les branches et le tronc des arbres et arbustes. D’autre part la diversité microbienne du sol est responsable de la dénitrification qui réduit les nitrates et produit de l’azote gazeux retournant à l’atmosphère.

La coccinelle est un prédateur des pucerons et autres ravageurs. Photographie : Bernard Chaubet

 

Françoise Burel
CNRS (UMR 6553 ECOBIO)
Université de Rennes 1
Agronome écologue, elle est spécialisée dans l'étude
de la biodiversité dans les paysages agricoles et plus
particulièrement du rôle de la connectivité dans les
paysages de bocage sur les populations d'insectes :
coléoptères carabiques et papillons.