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Introduction

Élément identitaire majeur, le bocage a fait couler beaucoup d'encre en Bretagne et l'on peut s'interroger sur l'opportunité d'une exposition et d'une publication supplémentaires sur un thème que les chercheurs, les décideurs, les journalistes explorent périodiquement depuis plus de 30 ans.

Pourtant, l'évocation du bocage et de son histoire à l'Écomusée du pays de Rennes n'a rien de surprenant pour qui sait le poids des paysages ruraux dans la mémoire collective des bretons. Sans évoquer ici une vaine nostalgie, haies et talus, chemins creux et barrières de champs, émondes et têtards sont inscrits dans la culture des gens de l'ouest pour avoir marqué leur quotidien et constitué l'écrin d'une société majoritairement paysanne. Mieux que les mots, les 150 objets présentés dans l’exposition en disent long sur les rapports étroits que l’homme a pu entretenir avec les haies.

Bien sûr, les temps ont changé… Victime de son image, la Bretagne a résolument tourné le dos à son passé rural dans les années 60 pour « aménager » ses campagnes et effectuer une reconversion agricole spectaculaire. Les petites fermes et les champs ombragés ont cédé la place à des exploitations modernes, dotées d'unités d'élevage hors sol et de grandes parcelles facilement exploitables.

Cette « révolution » des années 60-70 fut brutale, tant pour les paysans que pour les paysages qui portent encore les cicatrices des aménagements incontrôlés. Dans le contexte du « défi » breton, le maître mot fut le « produire plus »… Revers de l'histoire, ce slogan est aujourd'hui remis en question par le « produire mieux », les préoccupations du développement durable et le souci de conserver le patrimoine régional. 

L'Écomusée a souhaité aborder le thème du bocage de manière pluridisciplinaire pour que les sciences humaines et les sciences de la vie se croisent et permettent d'éclairer un débat social aux multiples facettes. Cette approche singulière, propre aux musées de société, vise à s'enrichir du passé pour mieux appréhender le présent, et donner un regard synthétique sur une évolution qui concerne chacun d'entre nous.

Le travail entrepris depuis 2003 s’appuie sur des recherches menées ou commandées par l’Écomusée (analyses de documents d’archives, investigations de géographes, enquêtes ethnobotaniques, études de cas, analyses de bois, films…) ainsi que sur les nombreuses études déjà menées sur le sujet.

Avec la contribution de spécialistes, les apports de l'histoire, de l'ethnologie, de l'agronomie, de l’écologie, l'Écomusée entend ainsi favoriser la connaissance du bocage et la sensibilisation du public à son devenir préoccupant.

Puisse-t-il ainsi aider ceux et celles qui œuvrent dans ce sens.

Jean-Luc Maillard
                                                                          Conservateur-Directeur de l'Écomusée.
Photographie : Écomusée du pays de Rennes