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Gallo

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Gallo

« Nous faisons en sorte d’avoir une vision progressive du gallo. Pas question de fédérer les gens autour de l’idée qui serait de dire : « Regardez comme vous étiez ploucs quand vous parliez le gallo ! ». Nous voulons prouver qu’on peut encore dire et écrire de très belles choses en gallo. »

Nicolas Beurrier

bénévole de l’association Bertègn Galèzz, antenne de Lamballe – Saint-Brieuc

MISSIONS

Le gallo ? « Un patois de paysan ! », affirmait un jour un politique à Lydie Micault, coordinatrice de Bertègn Galèzz. C’était au cours des années 90, avant la reconnaissance par la Région Bretagne du trilinguisme français, breton, gallo.
« Ma grand-mère était née en 1, mon grand-père, en 4. J’ai commencé à me questionner sur le fait que ces personnes qui ne parlaient pas le breton, disaient aussi ne pas parler le bon français », explique Nicolas Beurrier, originaire du nord des Côtes d’Armor, bénévole au sein de l’association Bertègn Galèzz. « Je me suis demandé ce qu’était cette langue, celle que Francine, ma voisine, savait conjuguer avec un drôle de passé simple, en pensant qu’elle parlait un français déformé que je nommais alors patois ».
Au début des années 2000, le jeune homme devenu étudiant rennais se rapproche de Bertègn Gallèzz, organisatrice d’un colloque sur les langues minoritaires. L’occasion pour lui de s’interroger sur la place donnée aux gallésants : « Au-delà de l’aspect scientifique, il me paraissait important de proposer une programmation populaire, valorisant cette langue ».

À Rennes, les bénévoles de l’association lancent le festival Mil Goul et irrigue le bassin rennais de rencontres et de soirées festives. Dans le nord des Côtes d’Armor, sur sa partie orientale, Nicolas Beurrier fédère un collectif qui pose les premiers jalons d’une initiative associative, au sein de Bertègn Gallèzz. « En 2003, avec une troupe de théâtre qui ne parlait pas gallo, mais s’intéressait à la culture bretonne, nous avons monté le premier Gallo en scène. » Le succès est au rendez-vous : « C’était encourageant de voir que des gens sortaient de chez eux pour écouter du gallo ».
Depuis cette première édition, l’antenne de Lamballe – Saint-Brieuc de l’association Bertègn Galèzz s’est structurée. « Nous avons choisi de proposer des éditions itinérantes de Gallo en scène, en partenariat avec une association locale. Ce principe génère d’autres initiatives et incite des bénévoles à nous rejoindre », explique Nicolas Beurrier. Ce dernier souligne l’importance de l’approche collégiale au sein d’un collectif constitué d’une trentaine de bénévoles, dont un noyau dur réaffirme chaque année son engagement à produire une nouvelle édition du festival.

« Avec six ou sept troupes locales invitées, notre ligne directrice est la valorisation du gallo et des locuteurs. Nous sommes exigeants sur le contenu. Nous proposons des créations contemporaines et populaires, du type théâtre de boulevard accessible à tous », commente Nicolas Beurrier. L’idée est de faire germer des envies comme celles de la troupe d’Hillion qui désormais inclut une pièce en gallo dans son répertoire annuel.
Au fil des éditions, différents axes se dessinent, en même temps qu’un maillage sur le territoire. Un leitmotiv : « Que les spectateurs s’approprient le gallo et deviennent des locuteurs. » Par exemple, plusieurs fois par mois des apéros-gallo, des causeries, invitent les habitants à écouter des menteries. Par ailleurs, un espace spécifique, une soirée menteries est ouverte aux adhérents qui souhaitent s’essayer à cet art.
Autre exemple : les bénévoles ont animé un circuit d’interprétation en gallo, à La Briqueterie de Langueux, un espace muséographique dédié à la découverte des activités humaines en Baie de Saint-Brieuc. « Nous avons travaillé sur la traduction en gallo, une façon de faire progresser la connaissance de la langue ». Un exercice pratique fédérateur !

Un défi de taille reste à relever explique Nicolas Beurrier : la poursuite de la formation et de la transmission faites par Bertègn Gallèz afin de former de nouveaux locuteurs. « La faille est qu’aujourd’hui dans les foyers, la transmission ne se fait plus. Même si la région de Lamballe est un secteur privilégié où des enfants ont encore du gallo entre les oreilles, mais c’est une minorité ».
En effet, parler gallo impose de pouvoir l’entendre et le lire. À ce titre, l’association produit des émissions radiophoniques avec des chroniques et des rencontres. Elle met aussi en œuvre la signature de la charte pour les collectivités et le label pour les entreprises et les associations Du gallo, dam yan, dam ver ou « Du gallo, oui bien sûr ! ». « Cette labellisation soutient les initiatives de celles et ceux qui favorisent l’insertion du gallo dans l’espace quotidien », souligne Lydie Micault.

« De plus, explique cette dernière, nous avons ouvert L’Otè du Galo, un centre de ressources sur le gallo et la culture gallèse. Il est doté d’un fonds documentaire unique en Bretagne, celui de Bertègn Galèzz d’une part, linguistique, sociolinguistique et littéraire, et celui de la Bouèze d’autre part, musical et ethnographique ». Les locuteurs disposent d’un corpus lexicographique informatisé du gallo de plus de 100 000 mots : Le Tènzou du Galo, Le trésor du Gallo. Une compilation des glossaires publiés sur plusieurs décennies, fruits des travaux de nombre de passionné.es.
Quel chemin parcouru depuis la diatribe publiée, en 1976, dans la rubrique du Courrier du lecteur du journal Ouest-France, par la dinannaise Marie Dequé, qui s’alarmait de la disparition du gallo ! Son initiative a donné vie au collectif Les amis du parler gallo. Une dynamique que reprenait Gilles Morin au sein de l’association Bertègn Galèzz. Aujourd’hui, le mouvement reste fragile et demande à être conforté.

Christine Barbedet – avril 2016