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Festival

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Festival

« Un patrimoine vivant est ce qui se passe entre les générations qui le font vivre et innovent tout en lui restant fidèle. Ce qui est transmis est une musique populaire, agréable à entendre. Tant qu’il y aura des jeunes à s’extasier sur ce répertoire, ce sera gagné ! »

Vonig Fraval

directrice de Sonerion

MISSIONS

« C’est fun comme musique. L’écouter, me donne bien du plaisir », s’exclame une Québécoise présente au festival Juste pour rire, découvrant le bagad de Vannes Melinerion sur la place des Arts à Montréal. Une place rebaptisée du nom du sponsor, la célèbre régie québécoise des jeux, avec en première ligne les sonneurs qui arborent sur leur gilet bleu le logo de la non moins célèbre marque bretonne à rayures ! Un marketing assumé et un enthousiasme à toute épreuve pour les tenants du titre Incroyable talent 2015, émission télévisuelle suivie par 10 millions de téléspectateurs.
Sponsoring, mécénat, téléréalité… répertoire traditionnel revisité… les jeunes pousses du bagad prennent la relève les deux pieds dans l’ère du temps. Et pour celles et ceux qui découvrent la puissance de jeu d’une clique bretonne, la magie opère. C’est là toute la force d’un mouvement musical lancé sur le modèle des pipe-bands, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, par ceux que l’écrivain Per Jakez Hélias nommait « les six Mousquetaires ». Les propos d’un jeune sonneur résument l’esprit de corps voulu par les pionniers : « Le bagad de Vannes a été créé en 1954 pour occuper la jeunesse et voyager… Ceux qui ont été élèves font ensuite du tutorat ou composent ».

En 1946, en créant la fédération des sonneurs, en breton Bodadeg ar sonerion ou BAS, le band des six faisait sonner quatre verbes : « revaloriser l’image du sonneur traditionnel breton, sauver et dynamiser la création musicale en Bretagne, fédérer la population autour de sa fierté identitaire ».
Quelque soixante-dix ans plus tard, le bagad de Vannes est bien l’arbre médiatique qui révèle la forêt : quelque cent cinquante bagadoù et dix mille musicien.ne.s. Un concept qui s’exporte jusqu’à New-York et au Liban. « Plus de la moitié de nos adhérents ont moins de 20 ans », souligne Vonig Fraval, directrice de Sonerion, nouvelle appellation de la fédération nationale des bagadoù. La présence d’une femme dirigeante illustre là encore le virage pris par la fédération nationale au cours des années 80 : ouvrir les bagadoù à la gente féminine. Celle-ci représente désormais un tiers des effectifs.

Autre caractéristique soulignée par la directrice : « L’intergénérationnel est chez nous très développé. Quel que soit leur âge, les musicien.ne.s se forment collectivement et poursuivent une pratique collective. Cela crée des liens forts et permet de prolonger la transmission dans un bagad au moins sur une dizaine d’années ». Les trois piliers sont pour la fédération : la formation et la transmission, la création avec la diffusion des meilleurs spectacles de bagadoù. Celle-ci est gérée par l’association ad hoc Son Ha Dañs. Les programmateurs le savent : le spectacle est assuré ! Loin d’être figé, le répertoire laisse libre cours aux arrangements, au choix de nouveaux instruments comme la bombarde basse à l’initiative du bagad de Vannes, ou encore à la rencontre d’autres esthétiques musicales. Citons le bagad Saint-Nazaire et les Gnawas d’Agadir, le Fest rock du Bagad Kemper, le Cuba y Breizh du Bagad Cesson Sévigné ou encore Bagad Istanbul avec le bagad Penhars.
Un haut niveau de maîtrise technique est en effet exigé. Véritables rites de passages, les concours du Championnat de Bretagne consacrent les efforts consentis toute l’année par les bagadoù, par un classement en cinq catégories. Le public est au rendez-vous. Citons les quelque 35 000 connexions d’Internautes lors de la retransmission de chacune des manches des championnats des bagadoù de 1ère catégorie sur bretagne.france3.fr.

Cette exigence artistique est nourrie par un fort enracinement. Le répertoire traditionnel est au cœur de l’enseignement et de la transmission que ce soit via un partenariat avec Dastum ou les éditions de Sonerion. Citons la revue Ar Soner ou les Tonioù Breizh Izel qui rassemblent quelque milliers d’airs et de chants traditionnels accompagnés de leur partition, fruit des collectes de Polig Monjarret.
Si les stages organisés par la fédération, pour approfondir un terroir par exemple, sont nombreux, la force des bagadoù est la formation initiale dispensée par des professeurs diplômés, accompagnés de bénévoles expérimentés au sein des bagadig ou bagadigan, pour les débutants, puis au sein de chaque bagad. « Nous sommes la plus importante école de musique de Bretagne avec quelque 4500 élèves », note la directrice. Identifiée désormais comme Skol Muzik Sonnerion, l’école de musique Sonerion propose dès l’âge de 8 ans et sur tout le territoire une formation aux quatre pupitres du bagad : la bombarde, Ar vombard, la cornemuse, Ar binioù braz, la batterie, An taboulin, la cornemuse traditionnelle de Basse Bretagne, Ar biniou kozh.

Pour autant, la vigilance reste de mise : « Si à Quimper, il y a huit bagadoù, il existe encore des zones blanches sans bagad, alors qu’il y a du potentiel. C’est souvent une question de volonté politique avec par exemple une mise à disposition de locaux pour répéter », ajoute la directrice. Un tel maillage est le fruit d’un travail de réseau mené par l’ensemble des fédérations départementales, porté par le dynamisme de bénévoles militants, en appui avec la fédération nationale Sonerion support de communication et coordinateur.
En parallèle, cette dernière met un point d’honneur à soutenir la pratique traditionnelle des sonneurs de couple, avec en particulier la co-organisation du Championnat de Bretagne de musique et danse traditionnelle dont la finale se joue chaque année à Gourin, avec une quarantaine de couples sélectionnés lors des qualificatifs sur plus de 250 couples en lice.
Sonerion sait donner du coffre à sa devise : Ar soner a zo arouez Breizh bev, « le sonneur est le symbole de la Bretagne vivante ».

Christine Barbedet – avril 2016