Le gallo, la langue de la Haute-Bretagne

Auteur : Bèrtran Ôbrée - Chubri / novembre 2016
Caoz’ouz galo ? Le gallo est la langue romane parlée dans la grande moitié orientale de la Bretagne. Pour le visiteur, le gallo est repérable à ses passés simples en « -i », à la diphtongue « ao » (un biao chapè) ou au « e central » (tu vâ manjë). Sa pratique est en net recul comme pour l’ensemble des langues de France mais il bénéficie d’un regain d’intérêt depuis les années 1970 et d’une reconnaissance croissante par les collectivités territoriales. La codification du gallo a été amorcée dans la même période et connaît des avancées en vue d’une plus grande harmonisation. Riche de sa tradition orale, le gallo investit peu à peu la littérature écrite depuis la fin du XXe siècle : poésie, traduction de bandes dessinées, nouvelles... Des enseignements du gallo existent ici et là, de la maternelle à l’université. Il existe aussi une offre croissante pour les adultes. Sur le plan régional, plusieurs associations se consacrent à la valorisation de la langue gallèse. On peut entendre parler gallo à l’occasion d’événements dédiés tels que Mil Goul à Rennes et son usage émerge dans les médias audiovisuels.

Histoire et géographie

L’aire d’usage du gallo est celle de la Haute-Bretagne : départements d’Ille-et-Vilaine et de Loire-Atlantique ainsi que dans les parties orientales du Morbihan et des Côtes-d’Armor. Les origines du gallo remontent à la romanisation de l’Armorique entre le Ier et le Ve siècle de l’ère chrétienne. Il s’agit d’une langue romane classée parmi les langues d’oïl, comme le picard (ou le « chti ») et le français. Le gallo porte des traces du gaulois parlé en Armorique. Il a reçu notamment des influences du breton dans l’ouest de la zone gallèse, du francique parlé par les Francs, du norois des Vikings, des langues d’oïl voisines et du français.

La langue Gallaise - BCD / Mikael Bodlore-Penlaez

Les langues d’oïl - BCD / Mikael Bodlore-Penlaez

Nom de la langue

La langue de la Haute-Bretagne est encore couramment dénommée « patois » mais le terme « gallo », connu traditionnellement dans les zones de contact avec le breton, s’est largement diffusé depuis les années 1970. Ce mot est attesté notamment en 1371 dans une charte du duc Jean IV qui fait une distinction entre deux territoires, la « Bretaigne gallou » et la « Bretaigne bretonnante ». Il serait emprunté au celtique « gall » pour désigner ceux qui parlent la langue romane ou ceux qui ne parlent pas le breton.

Caractéristiques

Comparé au français, le gallo présente de nombreuses spécificités. Certaines d’entre elles sont faciles à repérer pour un visiteur au contact de personnes âgées, y compris dans leur « accent » en français. Notons par exemple l’usage quasiment généralisé du « -i » dans les verbes au passé simple (tu manji, tu mangeas – vouz pensitt, vous pensâtes), ou l’emploi de la particule interrogative « ti » (Ton frérr vièn ti ? Est-ce que ton frère vient?). En matière de prononciation on peut observer la récurrence de la voyelle centrale « e », y compris en finale (eplletë, se dépêcher). Cette voyelle correspond au « heu » d’hésitation prononcé la bouche moyennement ouverte, la langue et les lèvres détendues. Le gallo est aussi reconnaissable pour ses différentes diphtongues telles que [aw] (Julao, Julien) et [aj] (Seint Dolài, Saint-Dolay) souvent noté « aï », ainsi que pour son « r vocalique » ou « syllabique » (brton, breton – Batiss ‘Rnaod, Jean-Baptiste Renault) souvent noté « er ». Cette dernière caractéristique est d’ailleurs partagée avec le tchèque (Brno, ville jumelée avec Rennes), l’arabe maghrébin (mdrsa, école) et bien d’autres langues du monde.

Lez sorciér du pont de Sènt-Nicolas-de-Rdon (Les sorciers du pont de Saint-Nicolas-de-Redon) - Enquêteur : Albert Poulain / Interprète : Philomène Hurel dite La Mère Hurel de Piperia (Pipriac, 35) - Dastum

Un patron rassemble ses ouvriers du jour après une bonne journée de travail. Il sort pour aller leur chercher à boire. Il est déjà tard, il fait nuit. Sur son chemin il rencontre des sorciers (des lutins, des fées) en train de danser. Il est entrainé dans leur danse. Les danseurs sont entrainés à Saint-Nicolas-de-Redon (ou à Nantes). Grace à la formule magique, le patron peut revenir à son point de départ. Il rentre chez lui avec son pot de cidre mais avec beaucoup de retard. Il explique son retard par son aventure.

Vitalité

Le gallo a été la langue principale de la population de Haute-Bretagne jusqu’aux années 1950. Depuis, sa vitalité s’est considérablement affaiblie. Depuis 2009, le gallo est ainsi classé par l’Unesco comme une « langue sérieusement en danger ». Comme pour toutes les langues de France, l’abandon du gallo s’explique principalement par une politique institutionnelle défavorable, notamment à l’école. Il est aussi lié à de nombreuses mutations qui ont marginalisé son emploi : apparition des médias audiovisuels, développement de l’écrit dans la vie quotidienne, urbanisation, mobilité croissante des personnes, évolution des métiers… Mais depuis les années 1970, de nombreuses initiatives permettent d’entrevoir des possibilités de renverser la tendance.

Statut officiel

Le statut officiel du gallo est précaire. L’État admet son enseignement depuis les années 1970 mais y consacre très peu de moyens. En 1977, la signature de la Charte culturelle bretonne inclut le « parler gallo ». En décembre 2004, le Conseil régional de Bretagne reconnaît « officiellement, aux côtés de la langue française, l’existence du breton et du gallo comme langues de la Bretagne ». Cependant, autour de 2010, le gallo représente seulement 1 à 2 % du budget régional « Langues de Bretagne ». Les budgets des conseils généraux consacrés au gallo restent également très faibles. Par ailleurs, depuis les années 2000, quelques communes et communautés de communes pionnières donnent une place au gallo dans la signalétique ou la communication.

Linguistique et codification

Le travail linguistique sur le gallo a débuté à partir des années 1850 avec la publication de nombreux lexiques locaux. Les apprenants disposent aujourd’hui d’ouvrages de référence. Ainsi entre 1995 et 2012, on compte trois dictionnaires bilingues publiés et deux grammaires. Par ailleurs des enquêtes enregistrées auprès de locuteurs natifs se sont développées depuis 2006 pour faciliter les études linguistiques. L’orthographe du gallo fait l’objet de travaux principalement depuis la fin des années 1970. En 2013, deux principales orthographes sont utilisées, l’ABCD et le Moga, et des convergences se dessinent en lien avec des travaux terminologiques interassociatifs réalisés pour la Région Bretagne. Parmi les codifications qui font l’unanimité, certains phonèmes consonantiques sont notés systématiquement par un seul graphème, contrairement au français. C’est le cas des sons « z » (prinzon, prison) et « j » (Jorjaod, Georgeault). Les deux palatales s’écrivent « qh » (qheuru, vigoureux, courageux) et « gh » (ghimentier, journaliste). La transcription de certaines voyelles inconnues en français est également admise et largement diffusée, comme pour le « e central » en finale (bllë, seigle) et la diphtongue « ao » (caozant, de conversation agréable).

 

Lez fée d'la Crë de Mahoué (Les fées de la Croix de Mahoué) Enquêteur : Eveil à la musique au Pays (Ploërmel) / Interprète : M. Izè de Sènt-Beriou-de-Maoron (Saint-Brieuc-de-Mauron, 56) - Dastum

Une autre version du conte précedent. Un patron rassemble ses ouvriers du jour après une bonne journée de travail etc.

Littérature

La littérature en gallo s’est longtemps exprimée à travers les contes. Il existe aussi une pratique de théâtre en gallo, grâce à des troupes amateures. Avec le renouveau du gallo à partir des années 1970, l’écriture de la poésie s’est développée. Des bandes dessinées ont été traduites en gallo. Des auteurs ont investi la chanson et de nouveaux espaces littéraires tels que les nouvelles, la science-fiction ou les récits de vie.

Enseignement

Un enseignement du gallo est apparu à l’école depuis les années 1970-1980, de la maternelle à l’université. Il existe notamment une option au baccalauréat depuis la rentrée 1983. À l’Université de Rennes 2, les étudiants peuvent suivre des cours de gallo en licence depuis 1998. On peut aussi l’apprendre en cours du soir, en atelier ou en stage. Cette offre pour adultes est d’ailleurs en augmentation, ce qui traduit l’intérêt croissant que connaît le gallo en Haute-Bretagne et au-delà.

Médias

Du côté des médias audiovisuels, des initiatives apparaissent depuis le début des années 2000. Plum FM, diffuse une dizaine d’heures en gallo par semaine. France Bleu Armorique fait entendre un peu de gallo sur ses ondes. Armor TV diffuse ponctuellement des émissions en gallo. L’audiovisuel s’intéresse de plus en plus au gallo et cela devrait s’accentuer. En effet, ce secteur dépend peu du degré de codification écrite de la langue et est perçu comme un véritable enjeu par de nombreux acteurs du gallo.

Associations et événements

Affiche Mil Goul 2013
À l’échelle de la Haute-Bretagne, trois associations œuvrent spécifiquement pour le gallo. L’Association des enseignants de gallo regroupe essentiellement des enseignants du secteur public de l’Académie de Rennes. Bertègn Galèzz cherche à promouvoir le gallo à travers des actions d’animation et un centre de ressources documentaires. L’institut Chubri se consacre à l’inventaire du gallo (par des enquêtes orales) et à sa valorisation. Par ailleurs plusieurs événements annuels donnent une place importante au gallo, tels que « Mil Goul » dans le pays de Rennes, « le Gallo en scène » dans les pays de Saint-Brieuc et Lamballe, ou encore « les Gallèseries » dans le pays de Saint-Malo...

CITER CET ARTICLE

Auteur : Bèrtran Ôbrée - Chubri, « Le gallo, la langue de la Haute-Bretagne », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 16/11/2016.

Permalien: http://www.bcd.bzh/becedia/fr/le-gallo-la-langue-de-la-haute-bretagne

Bibliographie

  • PELHATE Anne-Marie, Le galo, qhi q’c’ét don ? Ce que vous avez toujours voulu savoir sur le gallo, Pornic, Le Temps, 2011.
  • Bibliographie complète en pdf : Le Gallo langue de la Haute Bretagne

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