Les Bagadoù

Auteur : Armel Morgant / novembre 2016
Sans nul doute, la musique bretonne ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui si n’étaient apparus, à la fin des années 1940, les bagadoù, ensembles instrumentaux formés à l’exemple des pipe bands écossais. Non contents d’avoir animé nombre de défilés et de fêtes en tous genres, les bagadoù ont formé au fil des ans une grande école de musique d’où sont sortis un grand nombre d’acteurs de la scène musicale bretonne contemporaine.

Un premier ensemble dans l’entre-deux-guerres

Le bagad n’aurait certainement jamais fait son apparition en Bretagne si n’y avait été importé d’Écosse le bag pipe, la grande cornemuse, dont les pionniers furent entre autres Hervé Le Menn et Gildas Jaffrenou.

Le premier ensemble du genre, Kenvreuriez ar Viniouerien, fut fondé à Paris dans l’entre-deux-guerres, notamment à l’instigation de Dorig Le Voyer, l’un des fondateurs, en 1942, de Bodadeg ar Sonerion, association dont l’un des buts était de doter chaque canton de Bretagne d’un couple de sonneurs bombarde-biniou. Ce n’est en effet qu’au sortir de la guerre que furent formés les premiers ensembles, nommés originellement « cliques », dans un premier temps associés à des harmonies. Ce fut le cas de celui fondé dans un cadre militaire à Dinan par Émile Allain, ou encore celui fondé par Polig Monjarret à Carhaix, sous l’égide de la SNCF.

En 1949, les deux bagadoù existant en Bretagne, Carhaix (Paotred an hent houarn) et Rostrenen (Kevrenn Rostren), se retrouvèrent à Quimper, lors du concours des meilleurs sonneurs de Bretagne, destiné aux couples de sonneurs et aux ensembles.

Dès lors, les bagadoù se multiplièrent, tant en Bretagne que dans les grands sites de l’émigration. Reflétant la société de l’époque, on vit apparaître des bagadoù scolaires, des bagadoù féminins, des bagadoù corporatifs, voire des bagadoù militaires.

Dans les premières années, ce n’était pas la grande cornemuse qui était employée, mais un succédané de celle-ci, mis au point par Dorig Le Voyer, le « biniou bras ». La cornemuse écossaise ne fut définitivement adoptée qu’au tout début des années 1950.

La question de la formation musicale et instrumentale se posant, fut créé, à la fin des années 1950, à l’initiative de Herri Léon « La Pie », de Donatien Laurent et d’Alain Le Hégarat, le Scolaich Beg an Treis de Porspoder, première véritable école de formation du genre, où se retrouva pendant quelques années tout ce qui comptait alors dans ce domaine.

Les concours, grands moments de la vie des bagadoù

Photos du championnat national des bagadoù 2012. © EdouardHue Etiennekd – Source wikimedia

L’histoire des bagadoù est aussi l’histoire de leurs concours. Le concours des meilleurs sonneurs de Bretagne de Quimper devint le Championnat de Bretagne des Bagadoù, qui fut organisé successivement à Quimperlé, Brest, et enfin à Lorient à partir de 1971, donnant naissance au Festival interceltique.

Dans les années 1970, le mouvement connut une certaine désaffection. Un puissant renouveau eut lieu durant la décennie suivante, grâce notamment à la politique de formation montée conjointement avec les conseils généraux et le conseil régional de Bretagne. En 2014, il existe plus d’une centaine de bagadoù. Si l’ouest du pays demeure la terre la plus riche en ensembles de ce type, sa partie orientale voit s’en créer de plus en plus, sans parler de ceux de l’émigration bretonne, hexagonale ou ultramarine. Il est aussi de moins en moins rare qu’un bagad se compose de deux, voire de trois phalanges, dont un bagadig, un bagad-école, où se retrouvent les sonneurs en formation.

Une musique diversifiée au fil du temps

L’une des conséquences de la multiplication des bagadoù est l’extrême diversification de leur musique. À la musique des débuts, strictement reprise de la tradition bretonne, ont succédé des compositions et des arrangements signés de musiciens de métier tels que Pierre-Yves Moign, Jean L’Helgouach, Alain Trovel, Roland Becker, Pierrick Tanguy, Jean-Louis Le Vallégant, Alan Stivell, et, dans la jeune génération, Étienne Chouzier ou Kevin Haas.

Peu à peu, les bagadoù se sont mis à jouer des airs des traditions celtiques en premier lieu (Écosse, Irlande), avant de se lancer dans de grandes suites empruntant notamment aux répertoires des pays d’Europe centrale, comme celui de la musique bulgare, qui a connu son heure de gloire dans les années 1970-1980. Certains optent délibérément pour des arrangements de facture classique, d’autres n’hésitent pas à se lancer dans des collaborations avec des musiciens de jazz, des formations classiques, voire des musiciens venus d’autres traditions, comme la Kerlenn Pondi l’a fait avec des musiciens de Zanzibar.

Un renouveau des instruments

Au sein même du bagad, des ensembles spécifiques ont pris forme, tels les ensembles de bombardes, qui ont, depuis les années 1980, leur propre concours. Parallèlement, on a pu constater l’enrichissement de l’instrumentarium du bagad. Le pupitre des bombardes s’est enrichi d’instruments ténors et basses, tandis qu’apparaissaient des cornemuses aux bourdons de tonalités différentes. Il n’est pas rare qu’un bagad compte un pupitre de clarinettes. Sans parler des percussions de toutes sortes venues s’adjoindre aux caisses claires des débuts.

La meilleure occasion d’entendre les bagadoù au mieux de leur forme sera d’assister à l’un des concours qui les réunissent plusieurs fois par an çà et là en Bretagne, en fonction de leur niveau (ils sont classés en cinq catégories). Des formations au grand complet y présentent chaque fois de riches programmes toujours renouvelés, concoctés pour la circonstance.

CITER CET ARTICLE

Auteur : Armel Morgant, « Les Bagadoù », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 29/11/2016.

Permalien: http://www.bcd.bzh/becedia/fr/les-bagadou

BIBLIOGRAPHIE

Travaux universitaires

  • Laigneaux Laurent,  Le bagad : entre conservation et réinvention du patrimoine musical breton, mémoire de master d’anthropologie, Université libre de Bruxelles, 2005.
  • Ollivier Steven, Bodadeg ar Sonerion, l’Assemblée des sonneurs (1943-1993) : du sonneur au musicien breton, mémoire de maîtrise d’histoire, Université Rennes-2, 1994.

Livres

  • Classe Gérard, Bagad Kemper – 50 ans sans relâche – Hep diskrog, Blanc Silex Éditions, 2000.
  • Association Diwaskell ar Big, Herri Leon et le Scolaich Beg an Treiz, 2003.
  • Morgant Armel & Roignant Jean-Michel, Bagad, Coop Breizh, 2005.
  • Cabon Alain, La Kevrenn Brest-Sant-Mark – Bagad d’exception, Coop Breizh 2008.
  • Morgant Armel, Kerlenn Pondi – Kalon ha begon, Coop Breizh, 2013.

DVD

  • Rouaud Christian, Bagad, Lazennec Bretagne & France 3 Ouest, 1994.
  • Froger Barbara, Phénomène Bagad, Production Premier Plan Amiens, 2006.
  • Bagad ! Une légende bretonne, Pathé, 2006.

CD

  • Assemblée des Sonneurs de biniou et de bombarde de Bretagne – 30e anniversaire, ArFolk, CD 312.
  • Championnat de Bretagne des Bagadoù, épreuve de Lorient vol. 1 (CD 447), vol. 2 (CD 455), vol. 3 (CD 898), Coop Breizh-BAS.
  • Bagadoù – L’Anthologie, vol. 1 et vol. 2, Coop Breizh CD 945 et 975.

Chaque année, Bodadeg ar Sonerion publie des CD et des DVD reprenant les principaux concours de bagadoù.

 

Proposé par : Bretagne Culture Diversité