Les races bretonnes d’animaux domestiques : un riche patrimoine vivant

Auteur : Bernard Denis / avril 2017
La Bretagne est l’une des régions qui ont donné naissance à un grand nombre de races d’animaux domestiques, toutes espèces confondues. Certes, beaucoup d’entre elles n’ont pas pu conserver leur place dans le contexte de l’élevage de la seconde moitié du XXe siècle, qui privilégiait les races les plus « performantes », mais la promotion aujourd’hui de systèmes de production diversifiés leur offre l’opportunité de réapparaître dans l’économie.

Une tête d’affiche

Les races bovines sont les plus connues avec, en tête, la Bretonne Pie-Noir, qui « fait » l’affiche du Salon de l’Agriculture en 2017. Numériquement importante au début du XXe siècle, elle s’est effondrée à partir de la décennie 1960. Bénéficiant aujourd’hui d’un regain d’intérêt, elle est appréciée pour ses qualités beurrières et fromagères. Elle fournit par ailleurs une viande d’une grande finesse.

La Froment du Léon - photo : Fédération des Races de Bretagne

Les effectifs de la Froment du Léon et de l’Armoricaine ne sont que de quelques centaines de têtes mais elles connaissent également un certain renouveau. La première, réputée notamment pour son « beurre doré », est vraisemblablement la souche d’une race internationale, la Guernesiaise. Signalons également que la Jersiaise, présente et connue au plan mondial, est sans doute apparentée au bétail breton. L’Armoricaine, outre ses qualités, présente un grand intérêt historique puisqu’elle est l’un des rares témoins aujourd’hui des croisements qui ont été effectués au XIXe siècle avec la race anglaise Durham et qui ont marqué le cheptel bovin français. La Nantaise, qui se rattache à un autre groupe (le groupe « Poitevin »), n’en est pas moins bretonne et connaît une certaine relance, avec plus de 1 000 femelles.

Le dernier mouton autochtone

Mouton des Landes de Bretagne - photo : Fédération des Races de Bretagne

Mouton d’Ouessant - photo : Fédération des Races de Bretagne

Les Bretons n’ont jamais eu la réputation d’être des « moutonniers » mais les moutons étaient très nombreux autrefois sur les landes. Les races autochtones étaient considérées comme disparues il y a cinquante ans, à l’exception du mouton d’Ouessant qui, de très petit format, sut exploiter le créneau d’un animal familier tondeur de pelouses, et put se développer en différents pays européens. A été retrouvée depuis la race de base, dite « Mouton des Landes de Bretagne », qui, de surcroît, est vraisemblablement la seule survivante de toute la population ovine autochtone de la France septentrionale. Le mouton de Belle-Île (autrefois appelé « race de Deux » sud-morbihanaise) résulte des croisements effectués au XVIIIe siècle entre le mouton de pays et la race Flandrine originaire du littoral de la mer du Nord. Le Landes de Bretagne et le Belle-Île, qui ne subsistaient qu’à l’état de traces (quelques dizaines d’animaux) dans la décennie 1980, sont bien « repartis », valorisés économiquement par des éleveurs professionnels, et bénéficiant par ailleurs d’un attachement identitaire. Le Belle-Île a la particularité d’héberger dans son génome un gène de prolificité.

La chèvre des Fossés

Chèvre des Fossés - photo : Fédération des Races de Bretagne

La chèvre a généré très peu de races en France car, bien que très répandue, elle avait l’image de la « vache du pauvre » et n’intéressait pas les éleveurs et notables susceptibles de faire naître des races régionales. Il n’a donc jamais existé de race caprine bretonne mais la chèvre commune de l’Ouest, population non standardisée, n’avait pas complètement disparu et intéresse des éleveurs et des particuliers aujourd’hui sous le nom de « Chèvre des Fossés ».

Kazeg, la jument des Bretons

Deux juments Trait breton à l'écomusée du pays de Rennes, Ferme de la Bintinais, Rennes - photo : Wikimedia - Eponimm

Le cheval breton est connu et réputé de longue date, et les éleveurs y étaient particulièrement attachés. Il existait dans toute la région des chevaux de pays de petite taille appelés « bidets » : on dispose de photographies de bidets bretons au début du XXe siècle. Conséquence de la politique des Haras, dès leur création par Colbert, de favoriser les croisements avec des races étrangères de grand format, beaucoup de races régionales ont été marquées par des apports extérieurs. Le cheval breton n’y a pas échappé et en sont nés le Trait breton, et le Postier breton, un peu plus grand et plus léger. Les deux types avaient pratiquement fusionné mais ils tendent de nouveau à se séparer aujourd’hui. Ils connaissent les problèmes liés aux débouchés des chevaux lourds. À signaler qu’il a existé en Bretagne un « Trotteur de Corlay », qui concrétisa un grand intérêt de la part des Bretons pour les courses et autres épreuves sportives.

Pas d’âne breton

Bien entendu, il existait, en Bretagne comme ailleurs, des ânes en quantité importante. Mais l’âne, comme la chèvre, ne suscitait pas particulièrement d’intérêt, en dépit des immenses services qu’il rendait, et il n’a donc jamais existé de race asine bretonne.

Porcs à l’Ouest

Truies de la race Porc Blanc de l’Ouest aux champs - photo : Fédération des Races de Bretagne

La Bretagne a toujours entretenu un important cheptel porcin. Le porc de pays, comme on peut le vérifier sur de nombreuses cartes postales anciennes, était un porc de type celtique, blanc à oreilles tombantes. On a parlé d’une race bretonne, qui a fini par se retrouver dans l’ensemble « Porc Blanc de l’Ouest », lequel résultait surtout de l’union des porcs Normand et Craonnais. C’est donc le Blanc de l’Ouest qui peut être considéré comme le témoin d’une race de porcs propre à la Bretagne. Il a malheureusement beaucoup de mal à opérer un redéploiement.

Des poules sauvées de justesse

La coucou de Rennes - photo : Fédération des Races de Bretagne

Dans toutes les régions de France il existait des races de poules ayant reçu une dénomination loco-régionale. Elles ont été plus ou moins marquées, sous le Second Empire, par des croisements effectués avec des volailles asiatiques, ce qui ne leur a pas interdit de garder leur identité. C’est l’industrialisation de l’élevage qui a causé la quasi-extinction de beaucoup d’entre elles dans la seconde moitié du XXe siècle. Une race bretonne a pu être sauvée et est exploitée aujourd’hui sur le créneau d’une volaille « haut de gamme » : il s’agit de la Coucou de Rennes. Une autre est en train d’émerger actuellement, la Noire de Janzé.

À notre connaissance, la Bretagne n’a pas laissé de nom dans les autres espèces avicoles.

Épagneul breton et compagnie

Epagneul breton à l'arrêt sur perdreaux - photo : Wikimedia - JL Goasdoue

Nous terminerons par le chien, avec deux races célèbres. L’Épagneul breton tout d’abord, connu dans le monde entier, est très apprécié comme chien d’arrêt. Après avoir connu une malencontreuse dérive vers un type « Setter », il a retrouvé fort heureusement sa construction traditionnelle. Le Fauve de Bretagne ensuite, qui est une très ancienne race de chiens courants, existait sous trois types : le Grand, le Briquet et le Basset. Il subsiste aujourd’hui le Briquet Fauve de Bretagne, utilisé pour la chasse mais aussi comme chien polyvalent dans les fermes, et le Basset Fauve de Bretagne, apprécié à la chasse et pour la compagnie.

La Bretagne est riche de son patrimoine animal domestique. Dans le secteur des animaux de ferme, les consommateurs ont un rôle important à jouer pour le développer. Par ailleurs, outre le plaisir de découvrir parfois les races bretonnes « dans le paysage », il est possible de les voir rassemblées dans certaines structures, notamment l’Écomusée du Pays de Rennes, qui en entretient un grand nombre et participe à leur gestion.

CITER CET ARTICLE

Auteur : Bernard Denis, « Les races bretonnes d’animaux domestiques : un riche patrimoine vivant », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 24/04/2017.

Permalien: http://www.bcd.bzh/becedia/fr/les-races-bretonnes-d-animaux-domestiques-un-riche-patrimoine-vivant

Bibliographie

  • Beaulieu François de, Ronné Hervé, Les Bretons et leurs animaux domestiques, Spézet, Coop Breizh, 2000, 127 p.
  • Denis Bernard, Races bovines, Histoire, aptitudes, situation actuelles, Castor & Pollux, 2010, 319 p.
  • Dubois Philippe-Jacques, Périquet Jean-Claude, Rousseau Élise, Nos animaux domestiques : le tour de France d’un patrimoine menacé, Lonay, Delachaux & Niestlé, 2013, 305 p.
  • Beaulieu François de, Ronné Hervé, Le mouton d’Ouessant, Morlaix, Skol Vreizh, 2015, 120 p.
  • Beaulieu François de, La poule Coucou de Rennes – Patrimoine vivant de la Bretagne, Rennes, PUR, 2015, 128 p.
  • Beaulieu François de, Ronné Hervé, Les animaux des Bretons, un patrimoine préservé, Morlaix, Skol Vreizh, 2015, 84 p.

Proposé par : Bretagne Culture Diversité