L’âge du Bronze en Bretagne

Auteur : Clément Nicolas / octobre 2017
Lors de son apparition au IIIe millénaire avant notre ère, le métal, matériau nouveau, précieux et brillant, a sans nul doute exercé une fascination pour les sociétés armoricaines. Comme pour de nombreuses innovations, le succès du métal a été avant tout social avant de trouver des applications techniques au quotidien.

En Bretagne, la métallurgie a été introduite par la culture campaniforme (2500-2200 avant notre ère), diffusée en Europe via des déplacements d’individus ou de populations. Parmi ces migrants, il y avait sans nul doute des métallurgistes qui ont transmis leur savoir-faire mais aussi ouvert des mines de cuivre, notamment en Irlande.

Ce n’est qu’à l’âge du Bronze (2200-800 avant notre ère) que le travail du métal va réellement prendre son essor avec la mise au point d’un alliage plus résistant de cuivre et d’étain (le bronze) et une production importante et, sans doute, centralisée. Ce développement n’a été rendu possible qu’avec l’émergence de sociétés hiérarchisées à même de maîtriser l’approvisionnement en métal et d’entretenir des artisans métallurgistes. Il faudra attendre la fin de cette période pour que le métal achève sa révolution lente, en envahissant l’ensemble des activités humaines (armement, récipients, parures, outils agricoles, métallurgiques, etc.).

Mourir à l’âge du Bronze : une nouvelle conception de l’au-delà

Au bronze ancien (2200-1600 avant notre ère), les dolmens néolithiques sont abandonnés au profit d’une nouvelle mode d’inhumation : des coffres fermés ou des tombes en fosses.

Le cimetière littoral de l’âge du Bronze ancien de Roc’h Croum à Santec (Finistère ; d’après Briard, 1984)

Les coffres sont généralement destinés à un seul corps mais ils peuvent en renfermer plusieurs. Ils revêtent une grande diversité architecturale, avec l’emploi de dalles, de pierres sèches ou de bois, et des dimensions variées, reflétant sans doute le statut social du défunt. Les coffres comme les tombes en fosses peuvent être isolés, regroupés en petits cimetières ou recouverts d’un tumulus, parfois volumineux (jusqu’à 60 m de diamètre et 6 m de hauteur).

Evocation du tumulus monumental de Kernonen en Plouvorn (Finistère ; dessin L. Duigou)

Plus d’un millier de tumulus sont connus à travers la Basse-Bretagne. Tantôt isolées, tantôt alignées ou disposées en grappe, ces sépultures monumentales dominent le paysage environnant et jalonnent de manière ostentatoire des voies anciennes. Il s’agit de structures complexes pouvant contenir plusieurs coffres et dont l’édification a pu se prolonger sur plusieurs générations.

Tumulus alignés à Kerglien en Kergloff (Finistère ; cliché Google Earth)

Au bronze moyen et final (1600-800 avant notre ère), les pratiques funéraires évoluent encore : la crémation en urne va devenir le rite dominant. Les sépultures de cette période peuvent être entourées d’un fossé circulaire, notamment en Haute-Bretagne. Malgré ces changements, il n’est pas rare que ces nouvelles tombes soient implantées à proximité de cimetières du bronze ancien.

Une élite toute-puissante à la tête de territoires cohérents

Les dépôts funéraires expriment la forte hiérarchie des sociétés de l’âge du Bronze, en particulier au bronze ancien. Par la suite, les tombes sont plus modestes et les signes de richesse s’expriment ailleurs, notamment dans la capacité à sacrifier des objets en bronze en grand nombre.

Les tombes du bronze ancien ne livrent généralement aucun mobilier funéraire, si ce n’est une céramique et plus rarement un poignard. Seule une minorité des sépultures correspond à l’élite et se distingue par la richesse des dotations funéraires : haches et poignards en bronze, certains décorés de clous d’or, pointes de flèches finement taillées en silex, parures en or ou exotiques, gobelets en argent, etc. Ces objets, véritables symboles de pouvoir, ont requis un investissement considérable dans l’acquisition des matières premières et leur travail par des artisans hors pair.

Mobilier funéraire de la tombe de chef de La Motta à Lannion (Côtes-d’Armor ; clichés C. Nicolas)

Ces sépultures de chefs sont régulièrement distribuées en Basse-Bretagne, formant sans doute les centres de territoires, dont les limites ne sont pas éloignées des pays traditionnels bretons. La plupart sont implantées sur les terres les plus fertiles et il est probable que leur émergence soit liée au développement de la métallurgie autant qu’à celui de l’agriculture. D’autres sépultures de chefs surplombent des fleuves côtiers, suggérant un contrôle par l’élite de ces axes de circulation entre l’intérieur des terres et la mer.

Un monde interconnecté autour du cuivre et de l’étain

Avec l’âge du Bronze, les transports maritimes prennent également leur essor. En Bretagne, ils concernent dans un premier temps des échanges d’objets de prestige entre élites : ambre balte, perles en jais et en faïence venues d’Angleterre, parures en or et en argent de la péninsule Ibérique arrivent en Armorique, alors que des poignards en bronze font le chemin inverse. Dans un second temps, c’est l’ensemble de la culture matérielle qui va converger de part et d’autre de la Manche, autour de cette « Méditerranée du Nord ».

Parures exotiques en faïence, en jais et en ambre balte des tombes de Mez Nabat (Plouhinec, Finistère), de Kerguévarec (Plouyé, Finistère) et de Kernonen (Plouvorn, Finistère ; clichés C. Nicolas).

La circulation du métal, difficile à mettre en évidence, devait constituer le cœur de ces échanges. En effet, le développement de la métallurgie du bronze a nécessité de déplacer de grandes quantités de lingots afin de pouvoir fondre partout le cuivre et l’étain, inégalement répartis en Europe. Tantôt tournée vers la péninsule Ibérique, tantôt tournée vers les îles Britanniques, voire les deux à la fois, la Bretagne, riche en minerai d’étain, va bénéficier de sa position de carrefour dans l’Europe atlantique. Avec ces circulations de matières premières, d’objets mais aussi d’idées et de personnes, c’est déjà une première forme d’Europe qui se fait jour.

Exemple d’échanges de matières, d’idées et d’objets dans le Nord-Ouest de l’Europe au Bronze ancien : la perle en jais de Kerguévarec (Plouyé, Finistère)

CITER CET ARTICLE

Auteur : Clément Nicolas, « L’âge du Bronze en Bretagne », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 6/10/2017.

Permalien: https://www.bcd.bzh/becedia/fr/lage-du-bronze-en-bretagne

Bibliographie

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  • Giot Pierre-Roland, Briard Jacques, Pape Louis, Protohistoire de la Bretagne, Rennes, éd. Ouest-France, 1995, 422 p.
  • Nicolas Clément, Flèches de pouvoir à l’aube de la métallurgie, de la Bretagne au Danemark (2500-1700 avant notre ère), Leiden, Sidestone Press, 2 vol., 2016, 951 p.

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