5.3

Produire du bois de chauffage

Dans un bassin fertile, voué à l'agriculture, les forêts sont rares et la principale source d'approvisionnement en bois réside dans le bocage.

Photo de couverture : Marc Rapilliard

Dans un bassin fertile, voué à l'agriculture, les forêts sont rares et la principale source d'approvisionnement en bois réside dans le bocage.

À partir du XVIIe siècle, le développement de la construction (urbaine, rurale, navale…) et la croissance de la consommation urbaine de bois de chauffage entraînent une forte pénurie de bois. Cette situation a pour conséquence une stricte réglementation de l'exploitation des arbres sur talus ainsi que l'élaboration de savoir-faire permettant d'optimiser cette exploitation.

La composition des haies du pays de Rennes et le traitement des arbres en « ragosse » sont révélateurs de cette fonction majeure du bocage.

La répartition du bois entre propriétaires et fermiers

Une partie du bois produit sur une exploitation est destinée à la ville, soit directement, lorsque le bail impose la livraison au propriétaire de bois de chauffage, soit indirectement, avec la vente par le fermier de fagots au boulanger, ou sur les marchés.

Archives d'Ille-et-Vilaine

Photographie : Marc Rapilliard

Les triques issues du détriquage de branches de ragosses, ou des taillis, sont stockées entières, et ne seront recoupées qu'en fonction de leur usage final : fabrication de charbon de bois, billettes pour la cheminée ou usage « industriel » comme sur cette photo des derniers fours de potiers de Chartres-de-Bretagne.

Une exploitation moyenne consomme un millier de fagots par an. Elle en produit au maximum 2 000, 1 500 plus souvent, en comptant les « glennes » ou « bourrées d’épines » qui ne servent qu’à chauffer le four.

Photographie : Marc Rapilliard

Photographie : Paskal Martin

Le tronc lui-même est découpé en rondelles avec un harpon et fendu en bûches noueuses caractéristiques du bois de ragosse.

Une enquête de 1920 montre que les paysans ne vendent qu’une petite partie des fagots, et souvent à leur voisinage, plus rarement en ville, à cause des frais d’octroi.

En revanche, le fermier doit abattre et « casser » le gros bois réservé au propriétaire. Il doit même le livrer en ville gratuitement, au domicile du propriétaire, dans des quantités allant jusqu’à douze stères (quatre cordes) par an.

Le commerce du bois de chauffage

Les comptes d’octrois, taxes sur les marchandises qui entrent à Rennes, nous renseignent sur le commerce du bois durant le XIXe siècle et le début du XXe siècle. La situation semble fidèle à la répartition qui se dessine dans les baux. Les comptes d’octrois font la distinction entre plusieurs catégories :

  • Gros bois : bûches de plus de 20 cm de diamètre.
  • Bois de hanoche : rondins et bûches de moins de 20 cm de diamètre.
  • Grands fagots : fagots de plus de 2 m ayant 2 liens.
  • Petits fagots : fagots de moins de 2 m ayant 1 lien.
  • Glennes : fagots de bouleau et de genêts pour le four.

Graphiques : Ecomusée du Pays de Rennes

 

Sur ce graphique, la sur-représentation du gros bois montre que les paysans gardent très peu de bûches, mais plutôt des rondins issus de branches. Comme tous les citadins ne sont pas propriétaires, on peut conclure qu’on se chauffe plus volontiers  avec des bûches en ville.

Ici, la disparition des grands fagots, au profit des petits, est sans doute l’illustration de la raréfaction des bois et taillis, et de la protection de la forêt de Rennes au milieu du XIXe siècle. Les ragosses prennent le relais, mais produisent des fagots plus petits.

Livraison de fagots dans le centre de Vitré au début du XXe siècle. Ecomusée du Pays de Rennes