Paul Sébillot (1843-1918), un « Prince du folklore »

Portrait de Paul Sébillot. Musée de Bretagne: 888.0033.30.

Auteur : Fañch Postic / septembre 2020

Auteur, en Haute-Bretagne, d’une moisson de littérature orale abondante et de grande qualité, Paul Sébillot devient, à la fin du XIXe siècle, non seulement l’un des folkloristes les plus en vue mais joue au plan national et international un rôle de premier ordre pour l’étude et la promotion des traditions populaires.


Droit, peinture… et traditions populaires


Né en 1843 à Matignon dans les Côtes d’Armor, ce fils de médecin suit d’abord des études de droit à Rennes et Paris avant d’étudier la peinture. Peintre paysagiste et critique d’art, il s’occupe aussi de politique et publie en 1875 La République, c’est la tranquillité, une brochure qui le fait entrer en contact avec Luzel qui souhaite la traduire en breton. Sébillot lui fait part des légendes qu’il a recueillies dès les années 1860 à 1867. Luzel le pousse à collecter, lui indique les principes méthodologiques rigoureux de publication « sans embellissement » qu’il convient d’appliquer.

En 1878, alors qu’il se trouve chez son beau-frère Yves Guyot au château du Bordage à Ercé-près-Liffré, la pluie l’empêche de peindre. Il en profite pour interroger Marie Huchet, la fille du jardinier, 12 ans, qui, non seulement lui livre des contes, mais lui indique d’autres conteurs. C’est le début d’une impressionnante collecte qui, dès 1880, aboutit à la publication des Contes populaires de la Haute-Bretagne. Deux autres volumes suivent en 1880 et 1882 : Contes des paysans et des pêcheurs et Contes des marins.

Carte postale. Musée de Bretagne: 970.0049.2798.

Mais Sébillot ne s’arrête pas aux seuls contes ; il s’intéresse à la littérature orale sous toutes ses formes, comme en témoignent Littérature orale de la Haute-Bretagne en 1881 (première occurrence de l’expression dans le titre d’un ouvrage), puis Traditions et superstitions de la Haute-Bretagne en 1882. Petites légendes chrétiennes de la Haute-Bretagne (1885), Devinettes de la Haute-Bretagne (1886), Petite légende dorée de la Haute-Bretagne (1897), Contes des landes et des grèves (1900), Joyeuses histoires de la Bretagne (1910) complètent une imposante bibliographie à laquelle il convient d’ajouter une foule d’articles publiés dans des revues françaises et étrangères, et notamment dans la Revue des Traditions Populaires dont Paul Sébillot est l’un des fondateurs en 1886 et qu’il animera jusqu’à sa mort. Il est aussi l’un des contributeurs des Krypatadia, cet enfer de la littérature orale publié anonymement en Allemagne entre 1883 et 1911 (12 volumes).

Très vite aussi, Sébillot s’attache à publier des outils pour les futurs collecteurs (bibliographies, questionnaires dont certains seront traduits et utilisés par des folkloristes étrangers) et des ouvrages de synthèse : Gargantua dans les traditions populaires (1883) qui repose en partie sur un questionnaire adressé à de multiples correspondants, ou le monumental Folklore de la France (1900-1905), premier inventaire systématique des traditions populaires où il classe plus de 15.000 faits. Il est aussi, en 1881, l’initiateur des « Littératures populaires de toutes les nations », l’une des grandes collections en matière de littérature orale (41 volumes de 1881 à 1903). C’est par ailleurs un organisateur : il anime des cercles de folkloristes et est à l’origine de la tenue à Paris des premiers congrès internationaux de folklore (1889 et 1900).