Le conte en Bretagne

« Le conte n'existe que par le conteur »
Pierre Jakez Hélias. Le quêteur de mémoire

Pendant très longtemps, l’on ne s’est guère préoccupé des conteurs. Luzel est le premier à dresser en 1869 le portrait de l’une de ses principales conteuses : Marguerite Philippe.

L’installation de la statue de Marc’harit Fulup du sculpteur Morley Troman à Pluzunet début juillet 1971.
Photo Ifig Troadec.

L'origine des contes

« Jean-Louis Rolland m’a raconté que le vieux tisserand Iwan ar Floc’h de Treffrin lui avait dit quelle était l’origine des contes. A en croire les anciens, «tous ces contes avaient été inventés par une femme (Jean-Louis Rolland se la représentait évidemment comme une femme de son pays de Carhaix !) qui avait épousé un homme noir (eun den du). Cet homme noir ne voulait pas avoir d’enfant et lui avait dit que si elle en attendait un, il le tuerait... Et voilà qu’elle s’aperçut qu’elle était enceinte. Et elle se dit : - je vais lui raconter une longue histoire, un petit bout chaque nuit pour qu’il ait envie de savoir la suite et qu’il ne pense plus à l’enfant. Finalement il est né avant que l’histoire soit terminée et il l’a trouvé si beau qu’il n’a plus eu envie de le tuer !

On reconnaît évidemment l’argument des « Mille et une nuits » mais on ne saura sans doute jamais à quel moment et par quels cheminements ce récit est venu à la connaissance des conteurs bretons. »

Donatien Laurent.

« Ce n’est plus une femme, c’est la tradition incarnée. Elle se compare elle-même au bahut miraculeux de saint Yves, plus on en tire, plus il en reste. »

Anatole Le Braz.


A l’exemple de Luzel, les collecteurs prendront l’habitude d’indiquer leurs sources, mais l’on ne dispose malheureusement que de peu d’informations sur la façon de conter, l’apprentissage, la constitution du répertoire… et le passage à l’écrit a généralement effacé les caractéristiques de cet art verbal.

« ... C’est un type rare et un véritable trésor de traditions orales de toute nature, chants populaires, contes, légendes, récits, superstitions… Ce n’est pas une vieille femme comme on se figure ordinairement les conteuses… c’est une fille d’une trentaine d’années [...] Infirme d’une main (elle a la main droite paralysée), elle ne peut ni coudre, ni exécuter les travaux que nécessite la position d’une servante dans nos fermes. Alors, pour apporter aussi son petit contingent dans la pauvre chaumière autant qu’elle le peut (ils sont très pauvres), elle fait pour autrui des pèlerinages mincement rétribués, à toutes les places dévotes de Bretagne. De la sorte, Marguerite Fulup est presque constamment sur les routes, dans toutes les directions, et, dans ses pérégrinations, elle ne manque jamais une occasion d’apprendre une gwerz, une sone, un conte, une légende qu’elle ne connaissait pas encore... »

Luzel, Rapport au ministre de lʼInstruction Publique, 1869.
Jean-Louis Rolland (1904-1986), avait appris entre 1919 et 1925, une soixantaine de contes auprès d'Iwan ar Floc'h, un voisin tisserand.
Photo P.-E. Raviart.

Alors que l’on croyait l’oralité promise aux oubliettes de l’histoire, la voilà qui fait un retour en force depuis une quarantaine d’années. Les festivals, veillées, heures du conte se multiplient où toute une génération de néo-conteurs fait partager son univers merveilleux ou facétieux à un public ravi de cette relation directe et intime de la parole.

A la suite des Alain Le Goff, Albert Poulain, Jude Le Paboul… nombreux sont aujourd’hui les artisans de ce spectaculaire renouveau qui cherchent à adapter ce mode d’expression millénaire à notre monde d’aujourd’hui.