Le conte en Bretagne

La faute à Perrault ?

On peut s’interroger sur le caractère tardif, en Bretagne comme en France, de l’intérêt pour les contes populaires. Il faut attendre les années 1870 pour que l’on commence à les recueillir et à les noter fidèlement. Pourtant, depuis un demi-siècle déjà, à l’exemple des frères Grimm et de leurs Kinder-und Hausmärchen (Les Contes de l’enfance et du foyer), les recueils de contes se sont multipliés à travers l’Europe.

Dès la fin du XVIIe, Charles Perrault avait bien montré la voie mais le succès des Contes de ma mère l’oye constituait un défi à relever pour les successeurs. Car, si l’ouvrage ne contient que sept contes liés à une source populaire, tout semblait avoir été dit. Bien plus, les contes de ce «classique» de la littérature française devenaient eux-mêmes représentatifs d’une culture qui dominait alors l’Europe et, à ce titre, suspects pour tous ceux qui acceptaient mal une telle hégémonie.

Perrault, Mademoiselle L’Héritier, Madame Le Prince de Beaumont («La Belle et la Bête»), Madame d’Aulnoy demeurent des exceptions : aux XVIIe et XVIIIe siècles, les milieux lettrés ignorent, voire méprisent, la culture populaire. On préfère créer de toutes pièces des contes de fées, un divertissement mondain très prisé à la cour.

Barbe Bleue, Peau d'Âne, Le Chat Botté, Cendrillon, Le Petit Poucet, La Belle au Bois Dormant ou, ci-dessus, Le Petit Chaperon Rouge, les contes de Perrault ont été largement diffusés par la littérature enfantine.
Imagerie Pellerin Epinal. Coll. Fañch Postic.

Pour des fées modernes et bien faites

« Leurs occupations [ les fées des contes populaires ] étaient basses et puériles, ne s’amusant qu’aux servantes et aux nourrices. Tout leur soin consistoit à bien ballayer la maison, mettre le pot au feu, faire la lessive, remuer et endormir les enfans, traire les vaches, battre le boeurre et mille autres pauvretéz de cette nature : les effets les plus considérables de leur Art se terminoit à faire pleurer des perles et des diamans, moucher des emeraudes & cracher des rubis... c’est pourquoy tout ce qui nous reste aujourd’huy de leurs Faits et Gestes ne sont que des Contes de ma mère l’Oye... Elles étoient presque toujours vieilles, laides, mal vêtues & mal logées, etc.» Les fées que propose la comtesse de Murat sont «toutes belles, jeunes, bien faites, galamment vêtuës, logées dans la cour des Rois ou dans des palais enchantez »

Henriette Julie de Castelnau, comtesse de Murat, Histoires sublimes et allégoriques dédiées aux Fées modernes, 1699. Née à Brest où son père est gouverneur, elle est également l'auteur en 1698 des Nouveaux contes de fées.

Aujourd’hui, les contes de Madame de Murat qui avaient trouvé place dans la grande collection « Le Cabinet des fées », ont sombré dans l’oubli alors que les contes de Perrault et de Grimm connaissent une notoriété jamais démentie.

1ère édition des Contes de Perrault ou Contes de ma mère l'oye, en 1697. Coll. part.

Conter, un art apprécié dans la haute société.
Illustration de G. Brunet pour l'édition de 1882 des Facétieuses Nuits, ouvrage publié au XVIe siècle par l'Italien Straparole. Coll. Fañch Postic.