Le gouren, une tradition moderne

"Martin Eugène Prosper, La lutte, estampe (eau-forte) » [extrait], dans Les Bretons, mœurs et coutumes, Paris, 1868. Coll. Musée départemental breton de Quimper

Auteur : Aurélie Épron / novembre 2016

Corps à corps dont l’histoire est marquée par des récits avérés ou mythiques, la lutte bretonne – ou gouren – constitue un pilier emblématique de la ludodiversité bretonne.

Origines du gouren ?

Le gouren – dont les origines sont attestées dès le Moyen Âge (voir notamment les travaux de Le Menn G., 1994 ; Jaouen G., 2005) – est présenté par ses adeptes comme un héritage celtique. Cette forme de lutte aurait traversé les siècles en changeant quelque peu mais en conservant certaines de ses spécificités : preuve d’une tradition vivante. La richesse de cette lutte réside alors dans sa capacité à faire évoluer ses rites et ses pratiques jusqu’au XXe siècle (Épron, 2008). Elle n’est alors pas seulement « ce dont on se souvient, […] la tradition elle-même, mais son laboratoire » (Nora P., 1984, p. X).

Est fermement formulée, par les acteurs, l’hypothèse d’un métissage entre les apports des Bretons insulaires, fuyant l’invasion de leur territoire par les Saxons, les Angles et les Jutes, et un style armoricain du haut Moyen Âge – dont aucune trace n’a été dévoilée à ce jour –, lors des migrations, entre les IVe et VIe siècles, en Petite Bretagne, de peuplades du sud-ouest de la Grande-Bretagne (Cornwall et Devon).

Ces parentés celtiques sont confortées par le fait que des luttes qui se jouent uniquement debout – le combat ne se poursuit pas au sol – et à la ceinture – les saisies avec les mains sont autorisées uniquement au-dessus de la ceinture, celle-ci comprise – existent encore de nos jours dans d’autres régions celtiques que la Bretagne. La lutte de Cornouailles britannique est en effet une forme ressemblante.

Évolution de la popularité des luttes dans l’histoire

L’engouement pour les luttes martiales a régné dans toute la vieille Europe du Moyen Âge. Elles participaient à la préparation des troupes et de la chevalerie pour le combat au corps à corps. Au XVIe siècle, c’est l’une des principales activités physiques dans les cours royales ou seigneuriales. Ces luttes faisaient également figure de jeux et de préparation pour les joutes et les tournois. À la Renaissance, l’apparition des armes à feu et la modernisation des moyens de faire la guerre ont fait partiellement tomber ces exercices en désuétude dans les milieux privilégiés. Cependant leur tradition s’est maintenue dans les milieux populaires en tant que jeux, notamment dans des pays et régions de culture celtique. Ainsi, en France, à partir de la Révolution et suite au rejet des pratiques de l’Ancien Régime, ce sont plutôt des hommes de basse condition sociale qui s’adonnent aux luttes, pour le prestige mais aussi pour gagner de l’argent ou des prix en nature. Les luttes font alors partie intégrante des festivités et de cérémonies, qu’elles soient ou non religieuses : naissances, mariages, rites de passage, changements de saisons, moissons, etc. (Épron A. & Jaouen G., 2010).